Cas clinique: Patiente de 69 ans avec essoufflement croissant et toux sèche

Dr Colas Tcherakian

Auteurs et déclarations

27 mai 2016

La bonne réponse est qu’il faut rester vigilant car les patients ayant une BPCO ont une surmortalité, principalement liée au cancer, aux pathologies cardiovasculaires (CV) et à l’insuffisance respiratoire.

  • Alors que la poursuite des bêtabloquants fait débat en post-infarctus[1] qu’en est-il de leur utilisation dans la BPCO?

    Non seulement les bêtabloquants cardio-sélectifs ne sont pas contre-indiqués dans la BPCO [2] , mais ils semblent même bénéfiques en réduisant la mortalité et les exacerbations[3,4,5,6], en tout cas chez certains patients ayant une BPCO sévère, en particulier sous oxygène. Si le bénéfice apparaît dans de multiples études rétrospectives il reste à le démontrer définitivement par une étude prospective de qualité, afin de faire de la BPCO une indication formelle à la prescription de bêtabloquants. Cela permettrait également de mieux définir s’il existe une sous-population de BPCO à qui ce traitement profiterait plus. Quoi qu’il en soit, le diagnostic de BPCO ne doit pas plus être un frein ni une contre-indication à la prescription de bêtabloquants. Toutefois dans mon expérience, certains patients aggravent leur fonction respiratoire, pas tant sous forme d’exacerbation aigüe bronchospastique, mais sous forme d’aggravation chronique progressive. Ces patients (avec co-existence d’un asthme associé?) seront dépistés par des EFR de suivi qu’il convient de réaliser en cas de BPCO (p. ex. à 3 et 6 mois après l’introduction du traitement bêtabloquant).

  • L’aggravation de la BPCO est-elle possible après arrêt du tabagisme?

    Soyons clair, l’arrêt du tabac est aujourd’hui le seul traitement qui modifie radicalement la course de la BPCO. Nous perdons chaque année un peu de souffle, mesuré par le VEMS. Le fumeur dit « sensible » au tabac en perd le double (nous ne sommes pas égaux devant le tabac pour le souffle). Il est d’habitude de dire qu’à l’arrêt du tabac, la perte de souffle annuelle se rapproche de la population générale (mais on ne regagne évidemment pas le souffle perdu entre temps).

Figure 1: Courbe de Fletcher (Source: librement interprétée par C. Tcherakian à partir de Fletcher et al. The Natural History of Chronic Bronchitis and Emphysema, Oxford University Press, New York, 1976)

En réalité l’évolution de la BPCO est très disparate d’un patient à l’autre et elle peut évoluer même après l’arrêt du tabac, expliquant que l’on réalise, même en l’absence de symptôme respiratoire, des EFR annuelles. Ici, après 10 ans d’évolution il convient bien sûr de contrôler les EFR qui ont pu se détériorer.

  • L’auscultation pulmonaire normale permet-elle d’éliminer une BPCO ou son implication dans la dyspnée?

    Non. La BPCO est surnommée la meurtrière silencieuse car l’auscultation est la plupart du temps normale en cas de BPCO, même avancée. Il faut également avoir en tête que la BPCO ne s’accompagne pas non plus systématiquement d’une symptomatologie bronchique à type de toux et d’expectoration. Enfin, son installation étant insidieuse, le patient s’habitue à sa dyspnée et ne la décrit pas spontanément, ni même si vous lui posez la question « êtes-vous essoufflé ? ». C’est ce qui rend le dépistage de la BPCO si problématique. Ainsi l’auscultation normale n’est ici d’aucune aide pour éliminer une participation de la BPCO à la dyspnée.

  • Coronaropathie et dyspnée 

    Ici, si l’on suppose un mécanisme chronique (par exemple re-sténose sur la coronaire droite), la symptomatologie peut effectivement se révéler par une dyspnée sans insuffisance cardiaque (IC). Il s’agit alors d’une blockpnée d’effort (équivalent d’un angor d’effort) qui se manifeste toujours pour le même effort. Il n’y a en revanche pas de toux associée. Un mécanisme plus rare est l’insuffisance chronotrope. La coronaire droite vascularisant le nœud sinusal, la manifestation de l’ischémie est alors l’absence d’accélération du rythme cardiaque à l’effort. Le débit cardiaque ne s’adapte plus à l’effort à l’origine d’une dyspnée. Le dernier mécanisme est lié à la présence d’une IC, qui est donc exclu ici.

  • De quoi meurt un patient BPCO?

    La BPCO n’est pas qu’une diminution du souffle. C’est un marqueur de surmortalité. Sa présence est un facteur de risque de développer une maladie CV (indépendamment du tabagisme qui est un facteur de risque commun de développer les deux pathologies). De plus, en cas de maladie CV, la présence d’une BPCO est un critère de gravité avec surmortalité. C’est également un facteur de risque de développer un cancer (particulièrement thoracique ou vessie, là encore en lien avec le tabac) mais c’est un facteur de sur-risque indépendant du tabac. Vous serez, tout un chacun, confrontés à cette maladie qui est en passe de devenir la 3e cause de mortalité dans le monde d’ici à 4 ans, avec 6 millions de décès annuels à son actif. [7] C’est en particulier le nombre de BPCO chez la femme qui s’est fortement accru (ainsi les BPCO par exposition hors tabac, en particulier en Chine [8] ).

Dans le cas présent, votre auscultation révèle une diminution de murmure vésiculaire à droite. La toux est typiquement déclenchée par le changement de position (passage décubitus-orthostatisme ou lorsqu’elle se tourne dans le lit). Vous évoquez un épanchement pleural. La radiographie de thorax révèle un épanchement thoracique droit.

Figure 2: Imagerie RP, épanchement pleural droit (Source : C Tcherakian)

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