L’aspirine recommandée en prévention primaire du risque CV et du cancer colorectal

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

26 avril 2016

Après 70 ans : L’USPSTF ne recommande pas de stratégie préventive par aspirine en raison du manque de données.

Le groupe de travail ajoute, en outre, que si les personnes de plus de 70 ans ont un risque accru de maladies cardiovasculaires (forte incidence d’IDM et d’AVC), elles ont aussi plus de saignements gastro-intestinaux. En parallèle, les co-médications et les comorbidités rendent délicate l’évaluation d’un ratio bénéfice-risque. Enfin, la réduction du risque de cancer colorectal grâce à l’aspirine est moindre chez ces patients âgés (10 à 20 ans de délai).

Analyse du bénéfice-risque : que dit la littérature ?

Pour apprécier le bénéfice net de la prévention primaire par aspirine, l’USPSTF s’est appuyé sur une revue exhaustive de la littérature et a créé un modèle de microsimulation. Ce-dernier a permis d’évaluer le rapport bénéfice/risque de la prévention primaire par aspirine pendant la vie entière, pendant 20 ans ou pendant 10 ans en fonction de l’âge, du genre et du risque cardiovasculaire.

D’après l’analyse de la littérature réalisée à partir de 11 essais contrôlés randomisés [2-12], « globalement, le bénéfice cardiovasculaire associé à l’aspirine [faibles doses] est faible », commente le Pr Colin Baigent (Université d’Oxford, Royaume-Uni) dans un éditorial accompagnant publié dans les Annals of Internal Medicine[13].

« Toutefois, l’analyse critique de l’intérêt de l’aspirine a été bousculée par l’émergence de nouvelles données (depuis 2009) qui ont montré que l’aspirine en prises quotidiennes pouvait prévenir le cancer colorectal (et possiblement d’autres types de cancers). »

Résultats des analyses poolées sur la prévention primaire du risque CV

Critère de jugement

IDM non mortels + événements coronariens

AVC non mortels

Mortalité toutes-causes

Mortalité cardiovasculaire

Aspirine ≤ 100 mg/j vs placebo

-17%

-14%

-5%

NS

Concernant les cancers colorectaux, l’analyse de 3 essais de prévention CV montre une baisse de l’incidence des cancers colorectaux de 40 % 10 à 19 ans après l’initiation de la stratégie préventive par aspirine [9, 14, 15].

Ces études suggèrent qu’il faut au moins 5 à 10 ans de prises quotidiennes d’aspirine pour observer un bénéfice sur leur incidence. La mortalité par cancer colorectal est également abaissée.

En revanche, les auteurs signalent que la mortalité par cancer (tout type) n’est pas réduite de façon significative [16].

En termes de tolérance, une nouvelle analyse de la littérature montre que les risques de saignements gastro-intestinaux sévères augmentent de 58% chez les utilisateurs d’aspirine. Les risques d’AVC hémorragiques, qui restent des événements rares, augmentent eux de 27% [16].

Un monceau de données encore insuffisant…

Pour l’éditorialiste, l’ensemble des données aujourd’hui disponibles montrent que « le bénéfice cardiovasculaire net (bénéfice cardiovasculaire/risque de saignements) est faible, environ 1 à 2 événements de moins pour 1000 personnes-année » et qu’il y a encore « beaucoup d’incertitude sur les effets de l’aspirine sur le cancer, en général. »

Il ajoute : « les données des essais ne justifient pas de recommander un traitement préventif par aspirine sur la vie entière dans les groupes à bas risque. »

« Nous ne devrions pas nous faire une opinion avec des données incomplètes. En revanche, nous devrions encourager la poursuite des essais en cours afin que dans le futur, la qualité des preuves offrent un socle solide à la mise en place d’une politique de santé publique », conclut le Pr Baigent.

L’USPSTF est une association indépendante. Les auteurs n’ont pas déclaré de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. Colin Baigent a reçu des financements de Bayer pendant la réalisation de ces recommandations et des bourses de Merck & Co et de Novartis en dehors de ce travail.
Ludovic Drouet a reçu des financements de Roche Diagnostics, Leo Pharma, BMS, AstraZeneca, Daiichi Sankyo, GSK, Sanofi Pasteur, Aspen France, Bayer Healthcare, Pfizer, MSD, Novartis, LFB Biomedicaments, Re-Imagine Health Agency.

REFERENCES:

1.Siu AL; U.S. Preventive Services Task Force. Aspirin use for the primary prevention of cardiovascular disease and colorectal cancer: U.S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med. 2016. Publication en ligne.

2.Ogawa H, Nakayama M, Morimoto T, Uemura S, Kanauchi M, Doi N, et al, Japanese Primary Prevention of Atherosclerosis With Aspirin for Diabetes (JPAD) Trial Investigators. Low-dose aspirin for primary prevention of atherosclerotic events in patients with type 2 diabetes: a randomized controlled trial. JAMA. 2008; 300:2134-41.

3.Belch J, MacCuish A, Campbell I, Cobbe S, Taylor R, Prescott R, et al, Prevention of Progression of Arterial Disease and Diabetes Study Group. The prevention of progression of arterial disease and diabetes (POPADAD) trial: factorial randomised placebo controlled trial of aspirin and antioxidants in patients with diabetes and asymptomatic peripheral arterial disease. BMJ. 2008; 337:a1840.

4.Fowkes FG, Price JF, Stewart MC, Butcher I, Leng GC, Pell AC, et al, Aspirin for Asymptomatic Atherosclerosis Trialists. Aspirin for prevention of cardiovascular events in a general population screened for a low ankle brachial index: a randomized controlled trial. JAMA. 2010; 303:841-8.

5.Steering Committee of the Physicians' Health Study Research Group. Final report on the aspirin component of the ongoing Physicians' Health Study. N Engl J Med. 1989; 321:129-35.

6.Thrombosis prevention trial: randomised trial of low-intensity oral anticoagulation with warfarin and low-dose aspirin in the primary prevention of ischaemic heart disease in men at increased risk. The Medical Research Council's General Practice Research Framework. Lancet. 1998; 351:233-41.

7.ETDRS Investigators. Aspirin effects on mortality and morbidity in patients with diabetes mellitus. Early Treatment Diabetic Retinopathy Study report 14. JAMA. 1992; 268:1292-300.

8.Hansson L, Zanchetti A, Carruthers SG, Dahlöf B, Elmfeldt D, Julius S, et al. Effects of intensive blood-pressure lowering and low-dose aspirin in patients with hypertension: principal results of the Hypertension Optimal Treatment (HOT) randomised trial. HOT Study Group. Lancet. 1998; 351:1755-62.

9.Peto R, Gray R, Collins R, Wheatley K, Hennekens C, Jamrozik K, et al. Randomised trial of prophylactic daily aspirin in British male doctors. Br Med J (Clin Res Ed). 1988; 296:313-6.

10.Ridker PM, Cook NR, Lee IM, Gordon D, Gaziano JM, Manson JE, et al. A randomized trial of low-dose aspirin in the primary prevention of cardiovascular 11.de Gaetano G, Collaborative Group of the Primary Prevention Project. Low-dose aspirin and vitamin E in people at cardiovascular risk: a randomised trial in general practice. Collaborative Group of the Primary Prevention Project. Lancet. 2001; 357:89-95.

12.Ikeda Y, Shimada K, Teramoto T, Uchiyama S, Yamazaki T, Oikawa S, et al. Low-dose aspirin for primary prevention of cardiovascular events in Japanese patients 60 years or older with atherosclerotic risk factors: a randomized clinical trial. JAMA. 2014; 312:2510-20.

13. Baigent C. Aspirin for Disease Prevention: Public Policy or Personal Choice? Editorial. Ann Intern Med. 2016. Publication en ligne

14.Farrell B, Godwin J, Richards S, Warlow C. The United Kingdom transient ischaemic attack (UK-TIA) aspirin trial: final results. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 1991; 54:1044-54.

15.Cook NR, Lee IM, Zhang SM, Moorthy MV, Buring JE. Alternate-day, low-dose aspirin and cancer risk: long-term observational follow-up of a randomized trial. Ann Intern Med. 2013; 159:77-85.

16. Whitlock EP, Burda BU, Williams SB, Guirguis-Blake JM, Evans CV. Bleeding risks with aspirin use for primary prevention in adults: a systematic evidence review for the U.S.

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