Paris, France -- Mises en place en 1997 pour encourager les entreprises à s’implanter dans certains quartiers dits « sensibles », les zones franches urbaines (ZFU) attirent de plus en plus de médecins généralistes et de spécialistes. Quels sont les enjeux et les problématiques spécifiques actuels de l’exercice en ZFU ? Medscape édition française a posé la question au Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste à Mayenne (53) et président de l’UNOF-CSMF, et François-Xavier Laporte, médecin généraliste qui exerce actuellement en ZFU dans le quartier de Montgaillard du Havre (76).
Qu’est-ce qu’une zone franche urbaine ? Les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TE) sont des zones regroupant des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés (taux de chômage élevé, proportion importante de jeunes non diplômés, faible potentiel fiscal, etc.). Les entreprises qui s'y implantent et y embauchent une main-d'œuvre locale peuvent bénéficier sous conditions d'exonération de charges fiscales. |
Medscape : Quel est l’impact des exonérations fiscales sur la rémunération des médecins?
Dr Luc Duquesnel : Les avantages fiscaux des zones franches urbaines (ZFU) sont une belle opportunité financière pour les médecins libéraux. La profession est en crise : les revenus sont à peu près stables depuis une dizaine d’années (les revenus des médecins généralistes ont progressé de 0,3 % par an en euros constants entre 2005 et 2013 et de 0,8% pour les spécialistes, selon la DRESS. ndlr). Pour maintenir leur entreprise à flot, nombreux sont les médecins qui sont obligés de réduire leurs frais de secrétariat, et donc leur temps de secrétariat. Selon une étude réalisée dans la région Pays de la Loire, 60 % des médecins généralistes qui exercent seuls n’ont pas de secrétaires. S’ils s’installent en ZFU, ils bénéficient d’un allégement des charges salariales, ce qui leur permettra de maintenir un temps de secrétariat pour prendre en charge une partie des charges administratives.
Dr François-Xavier Laporte : Les avantages fiscaux de la ZFU sont négligeables quand je les compare à la totalité de mes charges. Mon bénéfice était plus important quand je n’étais pas installé en ZFU (en 2013) qu’aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que je suis obligé de passer plus de temps avec les patients. J’ai aujourd’hui 25% de visites en moins pour le même temps de travail. Cela s’explique par le fait que le profil socio-économique de ma patientèle a changé. Je suis notamment passé d’un taux de 18 % à 40 % d’ALD (affections de longue durée). Cette population défavorisée a plus de maladies chroniques : diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires… Je suis donc obligé de faire plus de prévention, ce qui augmente le temps de consultation. Il y aussi les problèmes de barrière de la langue des patients d’origine étrangère qui m’obligent à décrocher mon téléphone pour prendre rendez-vous avec des spécialistes.
Est-ce que les zones franches sont victimes de leur succès ?
Dr Luc Duquesnel: Les ZFU ont connu un flux de médecins libéraux spectaculaire. C’est le cas dans trois villes que je connais bien : Alençon, La Rochelle et Le Mans. Les médecins qui s’installent aujourd’hui dans ces zones doivent parfois faire face à une surdensité de médecins. Ce n’est pas parce qu’il y a des avantages fiscaux sur un territoire qu’il y a forcément un besoin en termes de santé de la population. A l’exception de ceux qui ont choisi de se déplacer à proximité de leurs anciens cabinets, je ne suis donc pas sûr qu’il soit facile de se faire une patientèle. D’où l’importance de faire des études de marché pour évaluer la densité de médecins d’une ZFU. Il faut analyser la population de la zone mais aussi ses alentours car il est possible de rayonner sur un bassin de population plus important lorsqu’on s’installe dans ces ZFU.
Dr François-Xavier Laporte : La sous-médicalisation est telle au Havre que je pense qu’il n’est pas nécessaire de faire une étude de marché. Le médecin qui s’installera dans une ZFU aura suffisamment de patients. Il y a d’importants besoins en termes de soins sur place et les patients sont mobiles.
Citer cet article: Exercer en zone franche : la théorie et la pratique - Medscape - 25 avr 2016.
Commenter