Mediator : la condamnation de Servier confirmée en appel

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

20 avril 2016

Paris, France – Après une première condamnation le 22 octobre dernier devant le TGI de Nanterre, les laboratoires Servier voient leur peine confirmée en appel.  Jeudi 14 avril, la Cour d’appel de Versailles a en effet estimé que le Médiator doit être considéré comme un produit défectueux.

 
Le Médiator doit être considéré comme un produit défectueux.
 

La Cour avait à examiner le dossier de Mme S. 68 ans, qui s’était vu prescrire du Mediator® entre 2006 et 2009 et qui souffrait d’une insuffisance aortique minime et une insuffisance mitrale très minime. Une pathologie dont elle rend responsable  sa prise de Médiator®. Elle demandait la condamnation de Servier à lui payer :

  • 3780 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire,

  • 8000 euros au titre des souffrances endurées,

  • 15 000 euros au titre de son déficit fonctionnel,

  • 15 000 euros au titre du préjudice d’anxiété. En outre, en vertu de l’article 700 (honoraires d’avocats, frais de consultation d’un spécialiste à l’amiable, frais de déplacement…) elle demandait également le versement de

  • 15 000 euros pour les frais engagés.

Elle avait obtenu 9750 euros en première instance et 7750 euros en Cour d’appel ce 14 avril. La cour a également condamné Servier à verser 4.900 euros à la CPAM du Tarn pour les frais médicaux engendrés par la prise du Mediator®.

Somme ridicule

Une somme jugée ridicule par la plaignante, qui devra rembourser 2000 euros à Servier.

Contactée par Medscape, son conseil, maître Verdier, doute porter l’appel en cassation : "On peut penser qu’après quatre ans de procédure elle n’ait pas envie de continuer." Sur le montant de l’indemnisation, Maitre Verdier reste circonspect : "En jurisprudence quand il y a des circonstances qui aggravent un préjudice on va au-delà du barème d’indemnisation pour préjudice corporel. En l’occurrence, ma cliente a subi une exposition médicamenteuse avec un produit défectueux, le Mediator®, dont on connaissait la défectuosité de longue date. Ma cliente n’aurait jamais du être exposée, c’est une circonstance aggravante.

Deuxième circonstance aggravante : sur le risque d’HTAP on n’a pas de visibilité quant à l’évolution de la pathologie de ma cliente, on ne peut pas exclure qu’un patient en soit atteint au minimum, il y a donc un préjudice d’anxiété, c’est un critère d’aggravation."

Le conseil de Servier, Maître Nathalie Carrère, réfléchit pour sa part à un pourvoi en cassation. Contacté par Medscape, l’avocate ne partage pas l’analyse de la cour d’appel quant au "caractère défectueux du produit, on ne nous a pas accordé de bénéfice du doute pour vice de développement". Tout en reconnaissant que, au titre de l’indemnisation, la Cour a procédé à "une application modérée du barème".

Aspect défectueux connu depuis 1997

Pour la Cour d’appel l’aspect défectueux du Mediator® étaient connus par les laboratoires Servier depuis les années 90, au moins, car ils savaient que le benfluorex se métabolise en norfenfluramine, contenu dans deux autres médicaments, l’isoméride et le Pondéral,  retirés du marché français en 1997.

En 1998, le même médicament commercialisé en Suisse sous le nom de Mediaxal était retiré du marché. Cause de ce retrait : l’autorité de contrôle suisse avait relevé que ledit médicament était incriminé dans les hypertensions artérielles pulmonaires et le développement de valvulopathies.

Le benfluorex, suite à des alertes sanitaires, était retiré du marché en Espagne et en Italie en 2003. La Cour en déduit "qu'au plus tard en 1997 existaient des données scientifiques concordantes sur les effets nocifs du Mediator qui auraient dû conduire les Laboratoires Servier à des investigations sur la réalité du risque signalé, et, à tout le moins, à en informer les médecins et les patients, ce qui n'a pas été le cas en France, alors que les Laboratoires Servier ont préféré retirer le benfluorex dans des pays où les mêmes suspicions ont été exprimées".

En octobre dernier, le TGI de Nanterre condamnait les laboratoires Servier dans un autre dossier, défendu par Maitre Houdon. Son appel a été programmé le 18 mai prochain. D’autres procès devraient se tenir à Nanterre, mais aucune date n’est pour le moment connu, a informé Maitre Verdier. L'affaire du Mediator® devrait faire aussi l'objet d'une procédure au pénal à Paris.

Plan social Servier : accord trouvé entre syndicats et direction

Un accord a été approuvé par la CFDT et l’UNSA, le 31 mars dernier, sur le plan social lancé par la direction de Servier, qui devrait se séparer de 600 salariés.

Les employés qui ne pourront être reclassés dans le groupe auront droit à un congé d’accompagnement de 20 à 36 mois avec une allocation garantie de 25.500 euros bruts par mois au minimum, des aides à la formation, et une indemnité de départ pouvant aller jusqu’à 30 mois de salaire. Les plus âgés pourront bénéficier d’un départ en pré-retraite de sept ans maximum, avec revenu garanti et indemnité d’un maximum de 22 mois. Les licenciements devraient débuter le 30 septembre prochain.

 

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