Lyon, France – Attention à l’amélioration glycémique rapide chez un diabétique : elle comporte un risque d’aggravation d’une rétinopathie diabétique (RD). Ce risque est en principe connu. Toutefois, comme le référentiel que la Société Francophone du Diabète et la Société Française d’Ophtalmologie ont prévu de publier cette année sur « le dépistage et la surveillance des complications oculaires du patients diabétique », insiste sur ce risque, le Dr Sylvie Feldman (Hôpital des Quinze-Vingts, Paris) est revenue sur ses principaux aspects, lors du congrès de la Société Francophone du Diabète (SFD 2016) [1].
Le risque d’aggravation d’une RD en, cas de normalisation glycémique rapide est « bien documenté », souligne le Dr Feldman, en évoquant les améliorations très rapides constatées après greffe d’îlots ou chirurgie bariatrique. Et le risque est par ailleurs « plus sérieux si la RD existe déjà avant normalisation ».
Deux difficultés apparaissent. La première est qu’il n’est pas question de renoncer à la normalisation glycémique : depuis les années 2000, c’est bien le renforcement du contrôle glycémique, associé à une prise en charge plus précoce et à des traitements anti-HTA, qui a « permis de réduire la RD de moitié, et la rétinopathie proliférante des deux tiers ».
La deuxième, c’est que lors d’une normalisation glycémique, on n’a aucune preuve qu’une régulation de la diminution du glucose va réduire le risque, et aucune valeur seuil ni de vitesse de décroissance à proposer.
« Il faut de la prudence, de la vigilance, ne pas se précipiter, avoir un fond d’œil et confier le patient à l’ophtalmologiste », indique le Dr Feldman, qui souligne par ailleurs l’importance de « l’information du patient » et de « l’éducation thérapeutique ».
« Lorsqu’il existe une rétinopathie non proliférante, il est encore possible de revenir en arrière : c’est le message à faire passer aux patients ».
Suivi étroit lors d’une normalisation glycémique
Le risque de RD est grosso modo équivalent chez les hommes et les femmes, et supérieur dans le diabète de type 1. Il augmente par ailleurs avec l’ancienneté du diagnostic, l’HbA1c et l’HTA. Pour fixer les idées, ce seraient 93 millions de personnes dans le monde qui seraient atteintes aujourd’hui.
S’agissant du contrôle glycémique, l’objectif est une HbA1c à 7%, « dès le diagnostic du diabète ». Le bénéfice de ce contrôle est observé à tous les stades : prévention de la survenue d’une RD, facilitation de la régression au stade précoce, réduction de progression vers la RD proliférante.
Hormis la greffe d’îlots et la chirurgie bariatrique, gestes chirurgicaux qui s’accompagnent en principe d’une prise en charge globale du patient, les deux principaux contextes exposant à une normalisation rapide sont la mise sous pompe à insuline, et l’instauration d’une insulinothérapie chez un diabétique de type 2 déséquilibré.
En pratique, une aggravation de la RD est constatée chez 10 à 20% des patients normalisés rapidement, dans les 3 à 6 mois suivant cette normalisation. Les facteurs de risque identifiés sont le taux initial d’HbA1c élevé, et la forte amplitude de la baisse glycémique, l’ancienneté du diabète et la sévérité initiale de la RD.
En l’absence de RD préexistante, l’aggravation est souvent transitoire, et limitée à l’apparition de nodules cotonneux et d’anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR : dilatations et télangiectasies vasculaires). A ce stade, le phénomène est « sans impact sur le pronostic à long terme, si toutefois un traitement et une surveillance ophtalmologiques adaptés sont mis en place ».
Si la RD est déjà évoluée, l’impact d’une normalisation glycémique peut être plus grave, avec risque de lésions irréversibles.
Citer cet article: Vincent Bargoin. Rétinopathie diabétique : vigilance lors d’une normalisation glycémique rapide - Medscape - 15 avr 2016.
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