Paris- France -- Les préceptes alimentaires religieux peuvent-ils être à l’origine de carences ? Lors d’une session présentée aux Journées Francophones d’Hépato-gastroentérologie et d’Oncologie Digestive (JFHOD) 2016, le Dr Jean Pierre Chouraqui (Lausanne - Suisse) a fait le point sur les règles alimentaires des principales religions [1]. Au final, il se veut rassurant. Aussi strictes soient elles, ces règles n’ont pas d’impact délétère sur la santé sauf en cas de dérive.
« Si les fidèles appliquent les règles alimentaires telles qu’elles sont édictées dans les textes, il n’y a pas de problème. Les soucis viennent de l’exagération ou de la mauvaise application des règles, et de l’inadaptation de l’alimentation quotidienne, notamment du fait de la précarité », a commenté le gastroentérologue.
Le Judaïsme : seules les dérives posent problème
Dans le judaïsme, les règles alimentaires ou Cacherout sont très strictement définies, a souligné l’orateur.
Elles autorisent à manger les mammifères ruminants ayant le sabot fendu, les poissons avec nageoires et écailles, les volailles et les œufs. En revanche, sont interdits le porc, le lapin, les oiseaux, les poissons et les animaux prédateurs, les crustacés et les mollusques.
Les graisses péri-viscérales (suif, saindoux) sont elles aussi interdites « ce qui a posé des problèmes en pédiatrie, il y a quelques années, car la plupart des laits infantiles contenaient ce type de graisses. Aujourd’hui, ils ne contiennent plus que des graisses végétales », a souligné l’intervenant.
Outre les aliments autorisés et interdits, des règles strictes d’abattage et de traitement des viandes sont à respecter. La viande cachère doit contenir le moins de sang possible, ce qui suppose un trempage dans l’eau, un traitement par le sel ou, à défaut, de la faire cuire longtemps.
D’après des études vétérinaires, la viande cachère contient donc moins d’hème et de protéines, beaucoup de sel, des lipides oxydés (du fait du trempage dans l’eau) et moins de bactéries que la viande non cachère.
Des carences en fer et un excès de sel sont-ils à craindre ?
Selon le Dr Chouraqui, une publication new yorkaise, a montré que la consommation de viande cachère (2 à 3 fois plus de sel que la normale) augmentait la pression artérielle chez l’adulte. Tout dépend toutefois du rythme de consommation.
Concernant le risque de carence martiale, si les fidèles « consomment d’autres sources de fer autorisées : poissons, œufs, lentilles », il semble y avoir peu de risque.
Toutefois, d’après des études israéliennes, les carences en fer et l’anémie sont plus fréquentes chez les familles très religieuses et notamment chez celles qui cessent de manger de la viande [2,3,4].
« La vraie question est donc de savoir si le déficit en fer est lié au fait qu’ils mangent de la viande cachère ou qu’ils mangent moins de viande rouge », note l’orateur.
Il en va de même pour les laitages.
Le principe « Tu ne feras pas cuir le chevreau avec le (au) lait de sa mère » peut être interprété comme une interdiction de manger de la viande et un laitage au même repas, ce qui n’est pas gênant. Mais aussi, comme une obligation de ne pas utiliser la même vaisselle pour les deux types d’aliment.
« Pour se faciliter la vie, on peut arriver à des situations ou les enfants ne consomment plus de laitage ce qui est gênant pendant la période de minéralisation osseuse », a rapporté le Dr Chouraqui.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Les règles alimentaires religieuses ont-elles un impact nutritionnel ? - Medscape - 8 avr 2016.
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