Le blog du Pr Gilles Pialoux – Infectiologue

La société française Biosantech a annoncé en conférence de presse avoir obtenu des résultats « très prometteurs » avec son vaccin thérapeutique anti-VIH, à base de Tat (Tat-oyi), un vaccin qu’elle développe depuis plusieurs années à grands renforts médiatiques.
Ce résultat contre placebo mené à l’hôpital de la Timone à Marseille chez 46 patients est à paraitre dans la revue Retrovirology. L’essai est basé sur le principe que la réponse anti-Tat, gène important du VIH, pourrait aider les CTL, lymphocytes T cytoxiques, à purger les réservoirs viraux chez les patients maintenus en contrôle virologique par les traitements classiques et permettre éventuellement des fenêtres thérapeutiques.
C’est un essai de phase IIA, de tolérance, d’efficacité et de capacité à maintenir le contrôle virologique lors de la fenêtre thérapeutique prévue dans cet essai, à l’arrêt des antirétroviraux. L’étude compte 4 groupes randomisés 1 :1 avec un groupe placebo pour une douzaine de patients, un groupe à 11 microgrammes de vaccin Tat, un groupe à 33 µg et un groupe à 99 µg.
La population est bien ciblée : > 600 CD4, Nadir CD4 > 300, contrôlés depuis 5 années en moyenne avec un traitement ARV efficace et sans co-infection ou autre facteur d’inflammation susceptible de compliquer l’analyse des données.
La méthodologie consiste en 3 injections intradermiques à M0, M1 et M2. Pour une fenêtre thérapeutique antirétrovirale à M5, refermée à M7, (reprise du traitement) sachant que les patients pouvaient reprendre leur traitement ARV si leur charge virale ARN était > 100 copies.
La première information apportée par ce travail est que ce vaccin anti-Tat est très bien toléré : un seul évènement potentiellement lié au vaccin est rapporté (névralgie faciale).
Au plan de l’efficacité, seulement 10 des 46 patients de cet essai ont pu maintenir les 2 mois de fenêtre thérapeutique, les trois quart ont repris le traitement antirétroviral dès le 6 me mois à cause de la montée de la charge virale VIH.
« Nul n’est immunisé contre la dérive de communication grand public »
Il n’y a aucune différence significative qu’il s’agisse d’ARN du VIH ou de quantification de l’ADN pro-viral chez ces patients entre les trois groupes de doses différentes de vaccin et le groupe placebo sur ces deux marqueurs essentiels du VIH. Par conséquent, contrairement à la communication grand public qui a été faite, l’objectif primaire d’efficacité n’est donc pas atteint.
Plusieurs essais de vaccin thérapeutique anti-VIH sont menés dans le monde (une douzaine) dont deux en France. Leur objectif est de permettre d’augmenter la fenêtre d’arrêt des traitements antirétroviraux. Les modèles Tat ont déjà montré dans deux publications leur inefficacité à contrôler la réplication virale dans les fenêtres thérapeutiques mais il est vrai qu’il s’agissait d’essais sans groupe placebo.
Cette conférence de presse est un modèle de communication désastreuse où le principal auteur a dit : « nous avons un effet avec ce vaccin sur les cellules infectées par le VIH qui fait gagner 70 ans de trithérapie au patient ». Cette communication inconséquente a beaucoup perturbé les personnes vivant avec le VIH sous ARV. Communiquer avant publication est d’une grande imprudence compte-tenu des difficultés des essais de vaccin thérapeutique et surtout de la négativité à maintenir un contrôle de la réplication (a fortiori, à purger les réservoirs cellulaires).
C’est dommage pour une recherche scientifique qui était par ailleurs assez intéressante. Comme l’ont suggéré plusieurs scientifiques et cliniciens du VIH : « nul n’est immunisé contre la dérive de communication grand public ».
Citer cet article: Vaccin thérapeutique anti-VIH : stop à l’intox médiatique! - Medscape - 30 mars 2016.
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