Essai Biotrial/Bial: plainte contre X et inertie médicale fatale

Pascale Solère

Auteurs et déclarations

15 mars 2016

Paris, France -- Nouveaux éléments dans l’accident de l’essai Biotrial. La compagne et le frère de Guillaume Molinet, décédé à Rennes dans l'essai de phase I, Biotrial/Bial ont fait savoir en conférence de presse qu’ils avaient déposé une plainte contre X, fin janvier (FR3 Bretagne, [1]). Pourquoi ? Parce que depuis le décès de leur proche, c’est par les médias qu’ils obtiennent çà et là des informations et non pas par les responsables de l’essai clinique ou les autorités de santé. Un silence d’autant plus insupportable, à leurs yeux, que l’alerte sur l’état de santé de la victime ne semble pas avoir été optimale.

Un homme sain et une famille en quête de vérité

En conférence de presse, la compagne de la victime a expliqué que « beaucoup de choses ont été tues, cachées… on les apprend au fur et à mesure par les médias... Aucune autorité ne m'a contactée jusque- là, pour me dire ce qu'il en était ». C'est clairement ce manque d'information qui motive le dépôt de plainte.

Le frère souligne lui que « Guillaume était en parfaite santé, avait une hygiène de vie impeccable. » « Il avait même arrêté le tabac .., faisait très attention à son alimentation et s'était remis au sport ». Enfin « son (antécédent) de traumatisme crânien remontait à 6 ans ».

Pourquoi cette précision? Au détour de son compte rendu, le comité d'experts de l'ANSM a évoqué un antécédent de traumatisme crânien chez la victime [2]. Cet antécédent aurait pu/dû selon eux faire écarter ce volontaire du recrutement.

Après la consommation de substances psychoactives (voir « La fausse piste des substances psychoactives » ), c'est la seconde fois qu'on suggère une cause potentielle liée à la victime. Pourtant, 5 volontaires sur 6 présentent le même type d'anomalies atypiques de l’hippocampe et du pont (partie centrale et renflée du tronc cérébral).
L'exception ne semble donc pas être la règle.

Non-assistance à personne en danger

Les extraits de la lettre du médecin de la société Biotrial adressant Guillaume Molinet au CHU dimanche soir, divulgués par Le Figaro, sont édifiants [3]. On savait déjà, vu la gestion de "crise" pointée par l'IGAS, qu'il y avait eu un « retard à l'allumage » chez Biotrial, doublé d'une légèreté dans le suivi [3] mais ces informations orientent désormais vers la non-assistance à personne à danger.

Pour rappel, le fait qu’aucun responsable de l’essai ne se soit inquiété lundi matin de l'état de Guillaume Molinet, même avant de ré-administrer la dose suivante aux volontaires a été justifié par le PDG de Biotrial, François Peaucelle par le fait que « le volontaire présentait des symptômes qui n'alarment pas dans la vie quotidienne... Nous l'avons envoyé aux urgences vers 20 heures pour des explorations complémentaires, à titre de précaution » [4].

Investigateurs et labos dans le déni

Pourtant, en réalité, dès dimanche l'état clinique de Guillaume est très inquiétant comme le montrent les extraits du courrier écrit par le médecin de garde de Biotrial à ses collèges du CHU dimanche soir : « Le patient «présente depuis ce matin des troubles de la vue (flou visuel€) qui se sont majorés au cours de la journée (diplopie avec apparition d'une dysarthrie importante - difficulté et lenteur à l'articulation) et des céphalées importantes, frontales et postérieures. "Céphalées" pour lesquelles il a reçu 1g de paracétamol à 20 heures ce jour». «L'examen neurologique révèle un état ébrieux majeur (état confus, NDLR), sans déficit sensitivo-moteur objectivé jusqu'alors ».

Dès 9 h du matin Guillaume Molinet s'est en effet plaint de maux de tête. Ensuite, ce seront des troubles visuels. Entre 15 et 16h, il croise un médecin, qui ne le réexamine pas. A 18h30, ce sont les autres volontaires inquiets de son état qui interpellent le personnel. Le médecin qui vient de prendre sa garde, après examen, réexamen 30 min après et discussion avec le médecin investigateur responsable, prendra enfin la décision d'hospitaliser a expliqué l'IGAS [4].

Mais là encore, à nouveau, pas d'affolement.

Le premier scanner cérébral n'est pratiqué qu'à 22h alors que le patient a été admis à 20h30 au CHU. Lundi matin, une IRM cérébrale est réalisée. Au vu des images... l'hôpital alerte immédiatement Biotrial.

En bref, dès dimanche soir au moins on est face à un effet secondaire neurologique sérieux.

Biotrial et Bial attendent tout de même:

- lundi soir pour interrompre l'essai

- mercredi pour lever l'aveugle et faire hospitaliser pour examen les autres volontaires

- jeudi soir pour alerter les Autorités de Santé.

 

Crédit photo : Biotrial

 

REFERENCES :

1. Fr3 Bretagne, Essais cliniques à Rennes : la famille de la victime porte plainte, 11 mars 2016.

2. Essai clinique de Rennes : Compte-rendu de la première réunion du CSST « inhibiteurs de la FAAH » du 15 février 2016. ANSM, 3 mars 2016

3. Jouan A. Biotrial : dès le 10 janvier, l'état du patient était inquiétant. le Figaro, 11 mars 2016.

4. IGAS Note N°2016-12N: Note d'étape: Enquête sur les incidents graves survenus dans le cadre de la réalisation d'un essai clinique .C d'Autume, G Duhamel. février 2016.

5. Jouan A. Essai clinique mortel : «Nous n'avons pas identifié de faute», le Figaro, 30 janvier 2016

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