Impact négatif du cannabis lors d’un premier épisode de psychose

Aude Lecrubier, Megan Brooks

Auteurs et déclarations

16 mars 2016

En outre, la consommation de cannabis était associée à un séjour prolongé. Au cours du suivi, la durée moyenne d’hospitalisation des patients ayant rapporté une consommation de cannabis (vs non consommateurs) passait de 21 jours supplémentaires au bout de 3 ans à 35 jours de plus au bout de 5 ans.

L’analyse des dossiers a également montré que les usagers de cannabis recevaient plus souvent de la clozapine, un antipsychotique utilisé par les patients schizophrènes difficiles à traiter. Ils avaient aussi reçus plus d’antipsychotiques (jusqu’à 11), un signe d’échecs thérapeutiques répétés, d’après les chercheurs.

A leur connaissance, « il s’agit de la première étude publiée à démontrer que l’effet délétère du cannabis pourrait être médié par l’échec des traitements antipsychotiques. »

En raison du caractère observationnel de l’étude, le lien de causalité ne peut être clairement établi. Toutefois, les chercheurs notent que leurs résultats « soulignent l’importance d’évaluer la consommation de cannabis chez les personnes traitées pour des troubles psychotiques » et qu’ils devraient « inciter à la réalisation de nouvelles études pour tenter de comprendre pourquoi les résultats des patients consommant du cannabis sont mauvais et comment réduire les risques associés. »

Des biais mais une conclusion probablement juste…

                                                                       

            

Pr Amine Benyamina

            

Interrogé par Medscape édition française, le Pr Amine Benyamina (Département de psychiatrie et d’addictologie, responsable du centre d’addictologie, hôpital Paul Brousse, Villejuif) note que l’étude n’est pas exempte de biais. « Les associations observées sont fragiles car les auteurs n’ont pas pris en compte le rôle de la génétique, de l’environnement, des éventuelles interactions avec d’autres substances, de l’observance aux traitements en dehors de l’hôpital, et de la poursuite ou non de la consommation de cannabis suite à l’admission. »

 
Dans notre pratique clinique, nous voyons bien que les patients consommateurs de cannabis ont une réactivité aux antipsychotiques qui est moindre -- Pr Amine Benyamina
 

« Globalement, il s’agit d’une étude observationnelle qui a comme force sa grande taille mais dont la méthodologie n’est pas parfaite notamment sur le plan des variables choisies », souligne le psychiatre-addictologue.

S’il n’est pas possible de tirer des conclusions fermes de l’étude, le Pr Benyamina ne remet toutefois pas en cause son rationnel.

« Dans notre pratique clinique, nous voyons bien que les patients consommateurs de cannabis ont une réactivité aux antipsychotiques qui est moindre. Cela a également été montré en pharmacologie sur des modèles bien précis. Si l’on part de l’hypothèse que le cannabis est perçu comme un xénobiotique, il est logique qu’il puisse limiter le rôle de certaines molécules ou de certains cytochromes et ainsi modifier le métabolisme ou la biodisponibilité des traitements antipsychotiques », conclut l’expert.

 

L’étude n’a pas reçu de financements spécifiques. Plusieurs auteurs ont déclaré avoir reçu des financements pour leurs recherches de l’industrie, notamment de Roche, Pfizer, Johnson & Johnson et Lundbeck, Janssen, Sunovion, et GW pharmaceuticals. Le Pr Benyamina collabore avec les laboratoires Servier, Lundbeck, Merck, Astrazeneca, RB pharmaceuticals, Otsuka pharmaceuticals France.

 

REFERENCE :

1.Rashmi Patel et coll. Association of cannabis use with hospital admission and antipsychotic treatment failure in first episode psychosis: an observational study. BMJ Open 2016;6:e009888

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