Lille, France – Connus dès mai 2015 ( ESC 2015 ) et publiés l’été dernier, les résultats négatifs et totalement inattendus sur la mortalité cardiovasculaire de l’étude SERVE-HF [1]– conduisant à l’arrêt prématuré de celle-ci – ont fait couler beaucoup d’encre et conduit à un changement des pratiques puisque l’utilisation d’une ventilation servo-adaptée (ASV) chez l’insuffisant cardiaque systolique (FEVG ≤ 45 %) symptomatique (NYHA II à IV) avec apnées centrales majoritaires, est désormais contre-indiquée [2]. A l’occasion du Congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF2016), le Pr Marie Pia D’Ortho-Jarreau (Service de physiologie - explorations fonctionnelles, Hôpital Bichat Claude Bernard, Paris) a fait le point sur la situation [3].
Arrêt prématuré de l’étude et alerte : rappel des faits
Dans cet essai, non seulement aucune différence n’est apparue sur le critère primaire après 31 mois de suivi entre le groupe ASV et le groupe contrôle (54,1% et 50,8% respectivement) avec un risque relatif de 1,13 [IC95% : 0,97 to 1,31; P=0,10]. Mais la mortalité toute cause et la mortalité cardiovasculaire étaient significativement augmentées dans le groupe ASV par rapport au groupe contrôle (34,8% versus 29,3%, RR : 1,28 ; p=0,01 et 29,9% versus 24,0%, RR : 1,34 ; P=0,006). Avec un signal plus fort sur le critère primaire chez les patients avec une respiration de Cheyne–Stokes sévère que chez les patients moins atteints.
« De cette étude, on retiendra donc que l’addition de l’ASV au traitement optimisé de l’IC à FEVG altérée avec SAS central n’améliore ni le pronostic des patients, ni leur qualité de vie ; mais augmente la moralité cardiovasculaire, a commenté le Pr D’Ortho-Jarreau. De fait, la ventilation servo-adaptée, aujourd’hui, dans ce groupe de patients, est contre-indiquée ». Ces résultats ne s’appliquent qu’à la population considérée et ne peuvent être généralisés à d’autres populations. « Ils ne peuvent pas être appliqués aux SAS à prédominance obstructive chez l’insuffisant cardiaque à FEVG altérée et ni être étendus au SAS central chez l’insuffisant cardiaque à FEVG préservée et au SAS résultant d’autres étiologies » a précisé la pneumologue.
Rappel du protocole de SERVE HF Pour mémoire, SERVE-HF (www.controlled-trials.com; ISRCTN19572887) est un essai contrôlé, randomisé, multicentrique et international de phase IV, avait pour objectif de déterminer si le traitement de l’apnée centrale du sommeil prédominante modérée à sévère par ventilation auto-asservie (Auto Set CS™; ResMed) pouvait réduire la morbi-mortalité chez les patients présentant une insuffisance cardiaque chronique symptomatique avec un traitement médical optimisé. L’étude a inclus 1325 patients insuffisants cardiaques (NYHA classe II à IV), dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche était ≤ 45 %, porteurs d’un syndrome d’apnées du sommeil modéré à sévère (index d’apnées – hypopnées, IAH > 15/h), majoritairement central (≥50% apnées – hypopnées centrales et IAH centrales ≥10/h), et comparait deux groupes : |
Quelle alternative proposer chez les insuffisants cardiaques avec respiration de Cheyne-Stokes?
Que reste-t-il pour traiter ce type de patients ? « La collaboration avec le cardiologue est essentielle sachant qu’il y a un certain nombre de patients dont le SAS central va être amélioré par des traitements, qu’ils soient médicaux ou liés à des dispositifs implantables (pacemaker, resynchronisation…) » a affirmé le Pr D’Ortho-Jarreau. Mais que propose-t-on à ceux qui ne le sont pas ? Parmi les autres traitements, la ventilation par PPC (CPAP) a été la plus documentée. L’analyse post hoc publiée par Artz en 2007 de l’étude CAN-PAP suggérait que les patients répondeurs à la PPC (IAH résiduel < 15/h) avaient une survie prolongée. « Quoi qu’il en soit, cette étude a inclus moins de patients et le suivi a été moins long que dans SERVE-HF, un potentiel effet délétère de la PPC ne peut pas totalement être exclu » peut-on lire dans un article de la Revue des maladies respiratoires consacré à cette question [4]. De même, « l’oxygénothérapie a également été proposée à des débits de 3 L/min en moyenne. Les études ont inclus peu de patients et sur un suivi de 3 à 12 mois au maximum [|4]». Conclusion, « la réponse n’est pas univoque, et surtout elle n’est pas étayée par de la littérature solide », considère l’oratrice qui propose d'utiliser, soit la PPC en mode fixe avec une titration, soit l’oxygène avant d’ajouter « peut-être même faut-il ne pas traiter ces patients, ou bien alors agir en fonction du symptôme ».
Si l’étude SERVE-HF a été interrompue, l’étude ADVENT-HF [Effect of Adaptive Servo Ventilation (ASV) on Survival and Hospital Admissions in Heart Failure (ADVENT-HF)] qui pour objectif d’évaluer l’effet de la ventilation auto-asservie sur la morbi-mortalité (décès et hospitalisations) de patients insuffisants cardiaques avec apnée du sommeil (sans précision sur la nature obstructive ou centrale des apnées) est en cours. Les résultats pourraient être connus en 2016. |
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Après SERVE-HF, comment traiter les apnées centrales de l’insuffisant cardiaque ? - Medscape - 4 mars 2016.
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