Paris, France — La publication du Lancet était très attendue. Pour la première fois, le lien entre l’infection par le virus Zika et la survenue de syndromes de Guillain-Barré a été prouvé par des chercheurs de l’Institut Pasteur, du Cnam, de l’Institut Louis Malardé, du Centre Hospitalier de Polynésie Française et de l’AP-HP. L’incidence des syndromes de Guillain Barré a été estimée par ces équipes à 2,4 cas pour 10 000 infections.
L’étude cas contrôle a été menée sur les 42 patients hospitalisés pour un syndrome de Guillain-Barré entre le mois d’octobre 2013 et le mois d’avril 2014. On peut s’étonner du délai entre la survenue des cas et la publication de ce travail, mais il faut bien reconnaître qu’en dépit des efforts de communication des médecins polynésiens l’épidémie liée virus Zika n’a pas eu l’écho qu’elle aurait du avoir en France.
98 % des patients hospitalisés porteurs d’IgG ou IgM
Les chercheurs avaient pour but d’évaluer la possibilité d’un lien entre l’augmentation des cas de Guillain-Barré survenue en Polynésie et l’épidémie de virus Zika. Pour cela, ils ont proposé une étude cas-contrôle sur les 42 malades hospitalisés pour Guillain-Barré au Centre Hospitalier de Polynésie Française à Papeete en prenant comme contrôle deux groupes de patients : les premiers (98) hospitalisés pour une maladie non fébrile et appariés pour l’âge, le sexe, le lieu de résidence, les autres (70) appariés pour l’âge et pris en charge pour une infection à Zika sans signes neurologiques.
L’analyse virologique a montré que 98 % des patients hospitalisés pour Guillain-Barré présentaient des IgM (93 %) ou des IgG antiZika et tous étaient porteurs d’anticorps neutralisants. Dans le groupe contrôle maladie non fébrile, seuls 56 % étaient porteurs d’anticorps neutralisants. (p<0.001).
Evolution rapide des lésions
Au total, 88 % des patients avaient présenté dans les 6 jours précédents leur hospitalisation des signes cliniques compatibles avec une infection aiguë par le Zika.
38 % des 42 patients ont été hospitalisés en réanimation, et 29 % ont bénéficié d’une assistance respiratoire. Aucun n’est décédé. Trois mois après leur sortie de l’hôpital, 57 % des patients pouvaient marcher sans assistance, un taux plus important que pour les syndromes de Guillain-Barré habituels.
L’analyse par électromyogramme (EMG) a montré que l’évolution des lésions survenait de façon rapide (6 jours en moyenne pour atteindre le plateau des lésions) et que les lésions étaient de type axonales motrices aiguës.
Anticiper l’accueil en réanimation
Pour les auteurs, « en se fondant sur ce travail, l’incidence des Guillain-Barré a été estimée à 2,4 pour 10 000 cas ». Pour le Pr Arnaud Fontanet (Institut Pasteur Paris), « cette étude confirme le lien entre les signes neurologiques et l’infection à Zika. Dans les régions épidémiques, on devrait s’attendre à une augmentation importante du nombre des patients atteints… et anticiper l’accueil de ces patients en réanimation quand il est possible de le faire ».
Mais force est de constater que cette augmentation n’a pas encore eu lieu dans de telles proportions en Amérique Latine.
REFERENCE :
Cao-Lormeau VM, Blake A, Mons S et coll. Guillain-Barré Syndrome outbreak associated with Zika virus infection in French Polynesia: a case-control study . The Lancet. Published Online February 29, 2016 S0140-6736(16)00562-6
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Zika et Guillain-Barré : une étude française en faveur d’un lien de causalité - Medscape - 1er mars 2016.
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