E-cigarette : une aide à l’arrêt du tabac ? Oui, mais chut… dit le HCSP

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

25 février 2016

Paris-France -- Le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) a réactualisé son avis de 2014 sur la e-cigarette [1]. En substance, le HCSP se positionne sur la même ligne que la FDA, l’OMS et la HAS ces deux dernières années : « ne pas inciter, ne pas dissuader ». Rien de bien nouveau donc dans ce rapport à part sa proposition d’interdire le vapotage dans les lieux publics.

Pourquoi un nouvel avis ?
L’actualisation du rapport de 2014 du HCSP a été demandée par la Direction générale de la santé (DGS) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mild&ca) fin 2015. Elle fait suite « à une publication de Public Health England plutôt favorable à la cigarette électronique » et à la pression « de professionnels de santé français et d’une association d’utilisateurs de cigarette électronique » qui « ont médiatiquement demandé son intégration en tant qu’outil de sevrage et de réduction des risques au sein du Programme national de lutte contre le tabagisme », indique le HCSP.

Informer sans en faire publicité

Dans son nouvel avis, le HCSP reconnait que « les usagers et les professionnels de santé se sont rapidement emparés de la cigarette électronique comme outil de réduction des risques du tabagisme et d’aide au sevrage. »

Après concertation avec des acteurs de terrain et analyse des données scientifiques, dont les conclusions sont parfois divergentes, le HCSP reconnait que la e-cigarette « peut être considérée comme une aide pour arrêter ou réduire la consommation de tabac des fumeurs » mais, il recommande de rester discret sur ce point. Il propose « d’informer, sans en faire publicité, les professionnels de santé et les fumeurs que la cigarette électronique est une aide à l’arrêt du tabac; et un mode de réduction des risques du tabac en usage exclusif ».

Pourquoi tant de prudence ?

Le HCSP rappelle une nouvelle fois que la cigarette électronique « peut constituer une porte d’entrée dans le tabagisme », en particulier chez les jeunes. Il souligne son fort potentiel addictif : « Au contraire des substituts nicotiniques, les cigarettes électroniques délivrent des niveaux de nicotine comparables voire supérieurs à la cigarette traditionnelle, et ce avec une rétention systémique similaire. »

Il ajoute qu’elle peut « induire un risque de renormalisation de la consommation de tabac compte tenu de l’image positive véhiculée par son marketing et sa visibilité dans les espaces publics. »

En pratique, le HCSP suggère « de maintenir les modalités d’interdictions de vente et de publicité prévues par la loi » mais propose d’aller plus loin encore et « d’étendre l’interdiction d’utilisation à tous les lieux affectés à un usage collectif. »

Un zèle qui peut étonner alors que cet été, un rapport officiel britannique sur le vapotage a mis en avant ses vertus dans la lutte contre le tabagisme, et estimé qu’on en faisait beaucoup trop contre la e-cigarette.

Rappelons aussi, qu’en France, dans le Baromètre santé 2014consacré au tabac , où l’usage de la cigarette électronique a été investigué pour la première fois, la e-cigarette a été associée à une diminution de la consommation de cigarettes et qu’elle est vue par 82% des fumeurs interrogés comme une aide à l’arrêt du tabac.

Enfin, fin 2014, la première revue de la littérature de la Bilbiothèque Cochrane sur la cigarette électronique avait, elle-aussi, suggéré son intérêt dans le sevrage tabagique.

A l’heure où les publicités sur l’alcool sont de nouveau autorisées dans notre pays et où elles s’affichent fièrement sur nos murs, dans le métro et sur les abribus empruntés par les collégiens et les lycéens, la position très « protectrice » du HCSP peut interroger. Y aurait-il deux poids, deux mesures ?

Plan sur plan : rien ne bouge…

Dans la dernière partie de son avis, le HCSP invite enfin :

-au renforcement du dispositif observationnel du tabagisme, à la réalisation d’études épidémiologiques et cliniques robustes sur la cigarette électronique, ainsi qu’au lancement de recherches en sciences humaines et sociales sur cette question ;

-à clarifier le statut de la cigarette électronique et des flacons de recharge ;

-à poursuivre les efforts de labellisations et de marquages pour informer les consommateurs et assurer leur sécurité ;

-à engager une réflexion sur la création d’une cigarette électronique « médicalisée ».

Une impression de déjà lu ?

 

RÉFÉRENCE :

1. Avis du Haut Comité de Santé Publique. Bénéfices-risques de la cigarette électronique pour la population générale. 22 février 2016.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....