Les thérapies « protéiques », un espoir majeur pour la mucoviscidose

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

17 février 2016

Lille, France – Outre l’amélioration des traitements dits «symptomatiques» et des connaissances sur les mécanismes à l’origine de l’insuffisance respiratoire, l’axe majeur de progrès dans la mucoviscidose concerne les «thérapies protéiques» qui consistent à traiter non plus le gène muté, à l’origine de la maladie, mais la protéine malade. Un premier médicament est déjà disponible, et un deuxième – le lumacaftor/ivacaftor des laboratoires Vertex – vient de recevoir une Autorisation Temporaire d’Utilisation de cohorte (ATUc) pour les patients de 12 ans et plus seulement. Le Pr Harriet Corvol (service de pneumologie pédiatrique de l’hôpital Trousseau, CRCM, Inserm UMRS 938) a fait le point sur ces avancées lors du Congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF2016) qui s’est tenu à Lille [1].

La mucoviscidose en chiffres

- 6 600 personnes atteintes de la mucoviscidose en France, et près de 70 000 dans le monde, selon les estimations. C’est l’une des plus fréquentes maladies rares.

- 1 nouveau-né sur environ 4 500 est concerné en France. La maladie peut se déclarer dès la naissance, pendant l’enfance ou à l’âge adulte, selon sa gravité. Depuis 2002, son dépistage est réalisé de façon systématique dans les maternités.

- 50,6% d’adultes atteints en 2013, soit davantage que d’enfants, selon le Registre français de la mucoviscidose. Ce tournant témoigne des énormes progrès réalisés ces dernières décennies.

- 45 ans d’espérance de vie à la naissance, contre 29 ans en 1992, et 7 en 1965.

 

Rappel sur la maladie : mutations du gène CFTR
La mucoviscidose est une maladie génétique et héréditaire, transmise par les deux parents. Elle est due à des mutations d’un gène, identifié en 1989 lequel permet la fabrication de la protéine CFTR, pour Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator. Elle intervient dans le transport du chlore à travers la membrane des cellules qui tapissent les bronches, le tube digestif et les glandes produisant la sueur. Dans la mucoviscidose, cette protéine est absente de la membrane cellulaire ou ne fonctionne pas. Sur le plan respiratoire, l’atteinte de la protéine CFTR se traduit par une inflammation de la paroi des bronches et par la sécrétion d’un mucus épais, difficile à évacuer. Ces anomalies favorisent la survenue d’infections à répétition des bronches, sources de décompensations respiratoires et d’hospitalisations.

Thérapies « protéiques » plutôt que géniques

Des chercheurs tentent, depuis quelques années, de développer des médicaments pour soigner l’origine même de la maladie. « La maladie est due à des mutations du gène CFTR. Dès lors, une première voie de recherche a consisté à faire des essais de thérapie génique, a expliqué le Pr Harriet Corvol. Malheureusement, ils n’ont pas permis d’avancées extraordinaires à ce jour. Le dernier essai en date, encore très préliminaire, une phase 2b, n’a montré qu’une amélioration modeste de la fonction respiratoire [2]». Une seconde voie de recherche a eu plus de succès. Elle consiste à traiter, non plus le gène muté, mais la protéine altérée. Ces thérapies « protéiques » se heurtent à un obstacle majeur: il n’existe pas une seule mutation responsable de la maladie, mais plus de 2000 identifiées à ce jour, et chacune peut donner une anomalie différente de la protéine CFTR ».

Les mutations responsables des formes les plus graves de mucoviscidose appartiennent à trois catégories (voir tableau ci-dessous).

Celles de « classe 1» aboutissent à une protéine CFTR non formée dû à un « codon STOP prématuré». Dans les mutations de classe 2, la protéine est fabriquée, mais mal repliée. Elle se dégrade dans la cellule, sans parvenir jusqu’à la membrane de la cellule. Les mutations de classe 3 entrainent la fabrication d’une protéine CFTR présente sur la membrane cellulaire, mais qui ne fonctionne pas.

Les classes de mutation du gène CFTR

Mutations « sévères »

Mutations « modérées »

I

II

III

IV

V- VI

CFTR non formée

CXFTR non mature

Fonction altérée

Conductance altérée

CFTR formée en faible quantité

G542X

F508del

G551D

R117H

5,7,9T

2,4%

68%

1,6%

<1%

<1%

C’est pour les mutations de type III qu’il est le plus « facile » d’agir puisque la protéine altérée arrive à la membrane mais n’est pas fonctionnelle. Une option thérapeutique consiste alors à activer la protéine non fonctionnelle. C’est le cas de l’ivacaftor (Kalydeco®, laboratoire Vertex), capable de la rendre fonctionnelle, c’est-à-dire de permettre que les échanges de chlore et d’eau se fassent correctement à travers la cellule, précise Harriet Corvol. Une étude randomisée en double aveugle vs placebo a montré un effet marqué de l’ivacaftor sur l’amélioration de la fonction respiratoire (amélioration de 10 points du VEMS), la diminution du nombre d’exacerbations, la prise de poids et la qualité de vie, sans effets secondaires notables [3].

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....