Paris, France -- « 75% des patients âgés en institution ont au moins une prescription de psychotropes et elle est souvent non justifiée », a introduit le Pr Frédéric Limosin (psychiatre, Hôpital Corentin Celton, Issy les Moulineaux) modérateur d’une session intitulée « Nettoyer l’ordonnance du sujet âgé » au congrès de l’Encéphale 2016 [1].
Benzodiazépines, antidépresseurs et autres médicaments non psychiatriques…Comment simplifier l’ordonnance des patients de plus de 80 ans ? Le Dr Bernard Durand-Gasselin, gériatre (Filière gériatrie Paris-Sud, hôpital Léopold Bellan, Fondation Sainte-Marie) a donné ses recettes pour rationaliser les prescriptions des sujets âgés polypathologiques.
Connaître la symbolique du médicament chez le sujet âgé
Dans un premier temps, le gériatre a rappelé que pour mieux dialoguer avec les patients âgés, il était important de connaître leur symbolique des médicaments.
« Il faut se rappeler que les sujets de plus de 80 ans ont connu de vraies avancées médicamenteuses (premiers antituberculeux…). Ils croient donc très fort aux médicaments. Il faut bien le comprendre lorsqu’on veut les convaincre d’arrêter un traitement », a commenté le Dr Durand-Gasselin.
Il a également précisé que les personnes de plus de 80 ans n’avaient pas été éduquées aux dangers des médicaments. « Il leur arrive de se servir dans la pharmacopée du conjoint ».
L’entretien avec le patient est donc primordial pour repérer les prises de médicaments non-avoués mais aussi ceux qu’il oublie de mentionner.
« Certains sujets prennent des laxatifs, antidouleurs ou somnifères depuis tellement longtemps qu’ils oublient de les mentionner », a souligné l’intervenant qui a rappelé également que pour bien mener l’entretien, il était primordial d’utiliser le langage du patient.
« Pour convaincre les personnes âgées, il faut utiliser leur langage, leurs valeurs, ne pas oublier qu’elles ont généralement un faible niveau d’éducation scientifique. Il ne faut pas hésiter à remplacer le terme de traitement par remède ou encore de médecin traitant par docteur. »
Avoir une idée de l’espérance de vie
Dans un second temps, estimer l’espérance de vie (moyenne et individuelle) du patient donne une orientation en termes de lourdeur de l’ordonnance.
Pour cela, deux indices de fragilité sont simples à identifier : la maigreur et les hospitalisations répétées.
« L’espérance de vie de mes patients se situe entre 5 et 10 ans. Cela permet de relativiser l’intérêt de médicaments qui ont un effet sur le long terme », a commenté le Dr Durand-Gasselin.
« Lorsque les patients semblent vraiment en fin de vie, le mot d’ordre est de donner des médicaments qui vont d’abord améliorer la qualité de vie. Souvent, les personnes âgées n’aspirent qu’à ne pas souffrir, à être à la maison, à voir les gens qu’elles aiment et garder l’appétit », a-t-il précisé.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Nettoyer l'ordonnance du sujet âgé - Medscape - 8 févr 2016.
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