Exercer à St Denis, 93 : 3 témoignages

Julien Moschetti

Auteurs et déclarations

9 février 2016

Saint-Denis, France -- Quatre jours après les fusillades du Stade de France le 13 novembre dernier, l’assaut du RAID a réveillé brutalement en pleine nuit les habitants du centre-ville de Saint-Denis. Sept heures durant, les Dionysiens ont assisté à de violentes fusillades entrecoupées d’explosions. Medscape, édition française, s’est demandé ce que devenait les habitants confrontés à des scènes de champ de bataille qui ont pu faire ressurgir de douloureux souvenirs et a donné la parole à trois médecins du 9.3. Voici leur témoignage 3 mois après les événements.

Des symptômes de stress aigu avant un retour à la normale

Installé à cinquante mètres de l’immeuble de l’assaut à Saint-Denis, le Dr Alain Herskovici a reçu des patients « très perturbés » les jours qui ont suivi l’intervention du RAID : « Ils avaient peur de sortir de chez eux, ne pouvaient pas prendre les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Mais les choses sont rentrées dans l’ordre après une dizaine de jours. Personne n’est revenu me voir, il s’agissait donc de chocs ponctuels. »

Son de cloche similaire du côté du Dr Frédéric Courage qui a croisé dans son cabinet de Saint-Denis des personnes « extrêmement choquées » suite aux événements des 13 et 18 novembre. La plupart des patients affichaient des symptômes de stress aigu : « cauchemars, insomnies, crises d’angoisse en cas de sirène de police. » Mais la situation est revenue à la normale après une dizaine de jours.

Les habitants se sont sentis plus concernés après les évènements du Stade de France et l’attaque du RAID, ils ont senti leur territoire vaciller -- Dr Joselyne Rousseau

Le Dr Courage a également observé que « les traumatismes étaient plus sévères après les attaques du Stade de France et l’intervention du RAID que lors des attentats de janvier ». Un phénomène attribué principalement à « la proximité géographique des événements qui a renforcé le processus d’identification des habitants ». Un sentiment partagé par le Dr Joselyne Rousseau installée à Pierrefitte, une ville limitrophe de Saint-Denis: « Les habitants se sont sentis plus concernés après les évènements du Stade de France et l’attaque du RAID, ils ont senti leur territoire vaciller. »

Le Dr Courage pense également que « le mode d’intervention brutal des forces de police a aggravé le choc psychologique. Les images et les bruits entendus ont donné aux gens le sentiment d’assister à des scènes de guerre. » Une analyse qui contraste avec celle du Dr Herskovici qui pense que « ce n’est pas l’intervention du RAID en elle-même qui a traumatisé ces personnes, mais plutôt la prise de conscience que des terroristes vivaient dans un appartement à proximité. Certains ont eu l’impression qu’on s’attaquait à eux personnellement. »

Résurgence de traumatismes enfouis

Mais ce qui a sans doute le plus surpris les médecins de Seine-Saint-Denis, c’est la résurgence de traumatismes enfouis depuis de nombreuses années chez de nombreux patients. « Cela a réveillé des souvenirs douloureux pour les personnes qui avaient connu des guerres civiles dans leur pays ou qui avaient connu les attentats du GIA en Algérie », témoigne le Dr Courage.

Le Dr Rousseau a aussi été marquée par une femme d’origine cambodgienne qui se trouvait proche de l’intervention du RAID, dans un bureau de poste, le 18 novembre à Pierrefitte. « Elle est arrivée en larmes en disant : « C’est la première fois que j’en parle, mais j’ai été violée par les Khmers rouges. On a fui à travers les montagnes pour arriver en Thaïlande. » C’était une éruption de mots par saccades. Elle m’a confié que ces événements avaient été totalement anesthésiés durant trente ans. Elle avait complètement occulté le fait que sa fille était le fruit d’un viol. Personne n’était au courant, même pas mon mari. »

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....