De l’avis du Pr Ferrières, cependant, il y a largement lieu de revenir sur certains dogmes en matière de régime du patient dyslipidémique, règles, selon lui, souvent issues et imposées par les experts Nord-Américains.
« 2015 aura vu la fin du « fat-free », après que l’on se soit fourvoyé pendant pas mal d’années. En France, on le savait depuis longtemps, mais il a fallu que les Américains l’admettent pour qu’on puisse le dire » a ironisé le Pr Ferrières. Effectivement, comme l’expliquait le Dr Boris Hansel dans son blog « Le cholestérol alimentaire n’est plus l’ennemi public Numéro 1. »
Outre le cholestérol alimentaire qui a disparu des recommandations américaines après « une avalanche d’études négatives », les graisses saturées ont été réhabilitées par « plusieurs méta-analyses solides », montrant l’absence de relation entre acides gras naturels et mortalité cardiovasculaire. Comme le disait le Pr Jean-Michel Lecerf (Institut Pasteur, Lille) dans une vidéo pour Medscape en 2012, « les acides gras saturés ont peut-être des effets plus complexes qu’il n’y parait ». Voir notre programme Faut-il bannir les acides gras saturés ?
Sur le front des lipides, il ne reste en fait que les acides gras trans industriels dont la relation avec la mortalité totale et la mortalité coronaire soit bien montrée.
« L’American Heart Association a pourtant conservé la limitation des acides gras saturés dans ses recommandations », note le Pr Ferrières.
Pour le cardiologue toulousain, la mise à l’index des acides gras saturés, outre qu’elle n’est pas justifiée, se révèle d’ailleurs parfaitement contre-productive puisque « les américains ont remplacé les graisses saturées par les sucres rapides ».
Il n’existe pas de modèle universel
Le régime alimentaire est une affaire complexe, que manifestement, on a bien du mal à analyser en cherchant à réduire le tout à une somme de parties.
Ainsi, s’agissant des acides gras en trans, ce sont bien les graisses issues des procédés industriels d’hydrogénation partielle qui sont en cause. « En revanche, il ne semble pas exister d’effet des acides gras trans naturels que l’on trouve dans le lait », souligne le Pr Ferrières.
Parmi les explications possibles : la présence, dans le lait, de caséine, qui est un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, et qui donnerait à l’ensemble un effet neutre. Les suisses sont d’ailleurs en train d’inventer un « Alpine Paradox » pour faire valoir leur lait, note le Pr Ferrières.
« Si on adhère à une nutrition idéale de type méditerranéenne, on réduit la mortalité totale de 30% », rappelle le Pr Ferrières en se référant au programme espagnol PREDIMED (PREvencion con Dieta MEDiteranea). Mais un régime complet inclut beaucoup d’aspects, y inclus des choix devant l’étalage, un temps de préparation et un plaisir à partager – soit tout autre choses que des nutriments, effectivement.
Citer cet article: Vincent Bargoin. Risque lipidique dans la maladie coronaire : le régime a t-il encore une place? - Medscape - 4 févr 2016.
Commenter