Pourquoi est-il si difficile de prendre en charge les sujets « bordeline » ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

4 février 2016

Les facteurs prédisposants sont d’ordre :

- biologiques : facteurs génétiques et épigénétiques, hyperréactivité axe hypothalamo-hypophysaire, opioïdes endogènes et récepteurs endocannabinoïdes, voies mono-aminergiques, anomalies de la sécrétion d’ocytocine ;

- socio-environnementaux : pauvreté, précarité, exclusion, stigmatisation, scolarité inadaptée, harcèlement scolaire ;

- psychologiques : univers familial instable, invalidant, ambivalent, punitif et rejetant ;

- les abus sexuels, maltraitances ;

- les abandons à répétition ;

- le tempérament impulsif, colérique.

Les facteurs précipitants sont l’alcool et le cannabis, les abus sexuels, les relations sentimentales destructrices, les relations familiales toxiques, l’influence négative des pairs, l’isolement social.

Maintenir la relation médecin-patient

 
Après une phase d’idéalisation, le lien médecin-patient est « attaqué » car le patient revit ses problématiques d’attachement.
 

Les patients qui consultent pour un trouble de la personnalité borderline sont jeunes, dans la grande majorité des femmes (ratio 4 :1), ont des situations de vie extrêmement difficiles, ont eu une histoire difficile...

La prise en charge est très ardue en raison des schémas parentaux précoces (maltraitance, abandons, instabilité...). Le patient pense que les personnes qui sont censées l’aider finiront toujours par le rejeter et le maltraiter…et le médecin n’y échappe pas.

« Après une phase d’idéalisation, où le médecin est perçu comme un sauveur, ce qui est d’ailleurs très valorisant pour lui, le lien médecin-patient est « attaqué » car le patient revit ses problématiques d’attachement, il devient agressif vis-à-vis du médecin, ce qui met le thérapeute en grande difficulté », indique le Dr Gourion.

« Nous avons envie d'aider mais plus on aide, plus on se retrouve en situation de difficulté. Or si on rejette le patient, on l'aggrave puisque se rejouent les problématiques d'abandon », précise le psychiatre.

Pour le Dr Gourion, bienveillance, souplesse, compréhension, associées à un certain nombre de limites, de cadre, sont les mots d’ordre pour prendre en charge au mieux ces patients.

« Même si, à un moment donné, la patiente décide d'arrêter, je lui dit que c'est son choix, que je le comprends, que ce n'est pas forcément très grave, que ma porte est ouverte et qu'elle peut me rappeler quand elle aura envie de revenir. Je ne suis pas dans une situation de rejet », commente le médecin.

 
En deux ans de prise en charge, le taux de tentatives de suicide ou d’automutilations passe de 80% à 20%.
 

Arriver à maintenir le lien sur la durée peut mener à une très bonne évolution, d’après le psychiatre.

« Il faut vraiment tenir le cap des 2 ans. Une étude publiée en 2015 dans le JAMA Psychiatry a montré qu’en deux ans de prise en charge, le taux de tentatives de suicide ou d’automutilations passe de 80% à 20% chez des patients de 18 à 25 ans », souligne le Dr Gourion.

Pour cela, il ne faut pas hésiter à s’aider de tous les moyens disponibles : prise en charge des familles, réseau de soins, interventions de psychoéducation, pharmacologie (voir l’article : Troubles de la personnalité borderline : quelle place pour les médicaments ? )…

 

Le Dr Gourion a des liens d’intérêt avec les laboratoires Servier, Lundbeck et Janssen.

 

REFERENCE :

  1. D Gourion. Fuir les soins de peur qu’on ne me sauve-psychopharmacologie du trouble de la personnalité borderline. Congrès de l’Encéphale. Mercredi 20 janvier 2016.

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