Alerte sur le repos de sécurité des internes !

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

1er février 2016

Baptiste Boukebous

Paris, France – Après avoir longtemps bataillé pour que la France se mette en accord avec les dispositions européennes en matière de temps de travail des internes [1], et obtenu en partie gain de cause lors de la publication d’un décret en février 2015 [2], voilà que l’Intersyndicat national des internes (Isni), présidé par Baptiste Boukebous, tire de nouveau la sonnette d’alarme. Cause de cette inquiétude ? La publication le 15 janvier dernier sur le site du gouvernement, d’une circulaire d’application du décret du 26 février 2015 [3].

Pour rappel, le contentieux de la France vis-à-vis de la Commission européenne remonte à 2013. Après de nombreux rappels à l’ordre, la Commission européenne décidait d’entamer contre la France une procédure précontentieuse, afin de la forcer à faire respecter, pour les médecins et internes, la durée maximum de travail fixée à 48 heures. Ce à quoi s’est pliée la France en publiant en février 2015, à l’intention des internes, un décret d’application des injonctions de l’Europe.

Le décret de février 2015 introduit subrepticement des dérogations

Outre la définition du temps de travail hebdomadaire fixé à 48 heures, ce décret imposait également huit demi-journées de stage et deux demi-journées de formation, et précisait le régime du service de garde et d’astreinte. La circulaire, publiée ce 15 janvier, avait pour but de rendre opérationnel, sur le terrain, ce décret.

Mais, quelle ne fut pas la surprise des internes que de constater les précisions apportées au repos de sécurité ! Car s’il est noté, dans ce texte, que « l’interne bénéficie d’un repos de sécurité immédiatement à l’issue de chaque garde et à l’issue du dernier déplacement survenu pendant une période d’astreinte et que ce temps de repos, garanti, ne peut donner lieu à l’accomplissement du stage, de la formation, ou d’un remplacement (en d’autre terme ce temps de repos doit être un temps de repos) », la circulaire, introduit, en revanche, subrepticement, des dérogations.

Des modalités de mise en œuvre mettent le feu aux poudres

Lors d’une astreinte de week-end assurée du vendredi soir au lundi matin, l’interne est susceptible, selon la nature de l’activité, de ne pas pouvoir bénéficier d’un repos de sécurité de onze heures consécutives.

Car, ajoutent les pouvoirs publics, « afin d’adapter la déclinaison opérationnelle des dispositions relatives aux astreintes, des modalités de mise en œuvre et de suivi du nouveau dispositif peuvent être définies, en fonction de la nature des organisations médicales, des activités et des spécificités propres aux différentes spécialités, dans le règlement intérieur existant pour le fonctionnement des astreintes seniors ».

En clair, l’application du repos de sécurité n’est pas absolu, et peut donc souffrir de dérogations. Et la circulaire d’offrir un exemple : « lors d’une astreinte de week-end assurée du vendredi soir au lundi matin, l’interne est susceptible, selon la nature de l’activité, de ne pas pouvoir bénéficier d’un repos de sécurité de onze heures consécutives : le règlement intérieur devrait alors prévoir des modalités de dérogation aux règles du repos de sécurité ». Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres.

L'Isni pas d'accord

Par communiqué, l’Isni exprimait tout son désarroi : « pour la première fois, cette circulaire introduit la notion de dérogation au repos de sécurité notamment après une astreinte du vendredi ou du dimanche. Ces dérogations pourront être élaborées par la direction d’établissement. Celle-ci y verra là une opportunité de variable d’ajustement des effectifs du personnel médical. L’Isni s’oppose vivement à cette démarche » [4].

Contacté par Medscape, édition française, Baptiste Boukebous, président de l’Isni, a précisé l’état d’esprit du syndicat vis-à-vis de cette circulaire : « Le repos de sécurité pourra bénéficier de dérogations inscrites dans le règlement intérieur de l’établissement. Nous n’avons pas été consultés sur ce point. Nous avions pourtant demandé un cadrage plus précis ». Pour pallier cette carence, l’Isni a demandé audience auprès du ministère de la santé, ainsi qu’auprès de la Direction générale de l'Offre de soins (DGOS), et a pu rencontrer le conseiller de la ministre en charge du dossier. Baptiste Boukebous en a profité pour faire avancer d’autres doléances, ayant trait au temps de travail des internes : « Nous sommes en pourparlers pour caser un régime normal de garde, en optimisant le décret de 2015. Car ce texte prévoit 5 gardes par mois, ce qui n’est pas compatible avec un temps de travail hebdomadaire de 48 heures. Nous perdons ainsi 68 demi-journées par trimestre, autant de temps qui n’est pas consacré à la formation ! »

Prendre exemple sur les anglais

À titre de comparaison, Baptiste Boukebous vante le système anglais : « Les internes anglais, par exemple, contractualisent les heures supplémentaires, ont droit à un suivi précis des horaires, et ne font des heures supplémentaires qu’avec leur plein consentement ! » Pour relancer la concertation sur le temps de travail, l’Isni compte de nouveau interpeller la Commission européenne, et se rendre en Grande-Bretagne, pour étudier de plus près l’organisation du temps de travail des internes. Le syndicat des internes a aussi l’intention de se servir de la réforme du troisième cycle des études médicales, comme fenêtre de tir, pour réformer, une fois de plus, la semaine de travail des internes.

REFERENCES :

  1. Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

  2. Décret n° 2015-225 du 26 février 2015 relatif au temps de travail des internes .

  3. Circulaire interministérielle N° DGOS/RH4/DGESIP/A1-4/2015/322 du 29 octobre 2015 relative à la mise en œuvre du temps de travail des internes.

  4. Remise en cause du repos de sécurité des internes : l’ISNI indigné ! Communiqué, 19/01/16.

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