Chronologie des événements en faveur d'une toxicité cumulative A la mi-décembre huit hommes sont sélectionnés pour le groupe haute dose (50mg/j) à doses répétées (MAD). Le 4 janvier ils reviennent dans les locaux de Biotrial pour 15 jours d'hospitalisation "partagée". « Les choses sérieuses commencent à partir du troisième jour, avec la prise du produit testé. La molécule leur est administrée (BIA-1024-74 /6 sujets, Placebo/2 sujets) au cours des jours suivants, à des doses élevées et au cours des repas, mercredi 6, jeudi 7, vendredi 8 et samedi 9 janvier. In fine, le dimanche 10 janvier on est au 5eme jour de traitement. Dans la soirée, un sujet est hospitalisé au CHU de Rennes pour ce qui semble être un AVC. « Les autres sont pris en charge dès lundi 11 » selon le Parisien [4]. « Le premier patient a été thrombolysé dimanche, les autres traités par corticoïdes » d’après le Figaro [5]. Pourtant, ...le lundi 11 janvier, l'étude continue: les sujets reçoivent leur 6eme prise. On est donc en dose cumulée à 250 mg chez le premier sujet, à 300 mg chez les 5 autres. L'aveugle a-t-il été levé dimanche soir, lundi matin ? Rien n'est moins sûr. Est-ce la dégradation clinique et/ou l'apparition d'images étonnantes à l'IRM qui lancent l'alerte ce lundi ? In fine, lundi dans l'après-midi l'essai est enfin interrompu. Mais l'alerte sanitaire n’est toujours pas lancée. Le jeudi 15 janvier lors du point presse, on apprend « qu’à l'IRM, quatre sujets ont des lésions cérébrales « nécrotiques et hémorragiques » pouvant laisser «craindre un handicap irréversible», dixit le Pr Pierre-Gilles Edan, chef du pôle neurosciences au CHU de Rennes. Deux d'entre eux présentent même alors «un tableau sévère» [4]. Au total, en date du 27/01, on en est à: 1 décès, 1 personne toujours hospitalisée « en raison d'un évènement intercurrent intervenu le 25/01 dans l'après-midi », 1 suivi en ambulatoire, 1 personne rentrée chez elle et suivie à distance par le CHU. Cette chronologie macabre colle assez bien avec l'hypothèse d'une toxicité cumulative. C'est-à-dire avec des lésions cérébrales en rapport avec le nombre de jours de prise de ces fameux 50 mg/j. Si toxicité cumulative il y a et s'il y a des effets secondaires sur la coagulation, cela pourrait expliquer que l'accident cérébral mortel ait d'abord mimé un AVC. Mais surtout si risque d'accumulation il y a, quelle précipitation A ce stade, il ne s’agit que d’une hypothèse. |
Seule une enquête et une analyse approfondie permettront de répondre à cette question.
128 volontaires : un effectif énorme pour une phase I
Cette phase I rassemble plusieurs études: - dose unique (SAD), - doses répétées (MAD), - interaction/alimentation (FI) plus - une étude de pharmacologie (PD) testant elle-même plusieurs activités potentielles du BIA-1024-74 sur la douleur, la toux, les vomissements et l'activité cérébrale (tests psychométriques).
Au total 128 – voire 192 volontaires, s'il s'avérait utile d'ajouter des paliers – doivent être recrutés. Sur ces 128, 104 vont recevoir la molécule test et 24 son placebo (152 traités/50 sous placebo pour 192 sujets). Ce qui parait un effectif énorme pour une phase I !
De plus, mis à part l'étude FI restreinte à 12 sujets, tout essai est mené en double aveugle versus placebo.
A chaque palier de dose, en prise unique (SAD) ou répétées (MAD), 8 sujets – 4 hommes/4 femmes "si possible" – sont randomisés en mode 6/2: 6 pour le traitement test, 2 pour le placebo. La levée éventuelle de l'aveugle est d'ailleurs très règlementée. Il est expressément demandé de noter le jour, l'heure, le motif, de signer mais aussi d'en informer le laboratoire Bial dans les 24 h.
Poupées russes
Autre sujet de réflexion : l'intrication des diverses études telle des poupées russes.
L'essai débute certes par l'étude en dose unique (SAD). Mais à partir de quand débutent les essais d'interaction (FI) et celui en dose multiples (MAD)? L'étude d'interaction/alimentation (FI) teste en double cross over sur 12 sujets, la pharmacocinétique d'une prise unique et de prises répétées à jeun ou après un petit déjeuner riche en graisses.
Comment fixe-t-on précisément la dose fixe retenue pour cette étude FI ? La mention "à discuter en fonction des résultats de pharmacocinétique de SAD et éventuellement de MAD si disponible" semble floue même s'il est précisé qu'on ne doit pas dépasser le tiers de la dose maximale atteinte au cours du SAD.
Par ailleurs quand démarre cette étude FI dans laquelle le produit va être administré par moments en prises répétées ? Est-ce avant/pendant l'étude en prises multiples (MAD)?
Enfin pourquoi d'avance une telle préoccupation, la problématique d'interaction a-t-elle été soulevée en préclinique ?
Citer cet article: Pascale Solère. Essai Bial/Biotrial : irrégularités dans le protocole? - Medscape - 28 janv 2016.
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