Santa Barbara, (Calif.), Etats-Unis -- Comment la médecine s’accommode-t-elle des plaisirs gastronomiques et œnophiles de ceux qui vont mourir ? Est-il raisonnable de boire un verre de vin lorsqu’on est en fin de vie, alors que la question de savoir si les breuvages alcoolisés sont bénéfiques ou non pour la santé n’a plus lieu d’être ? Autant de questions que soulève le Dr John La Puma , un « médecin-chef » californien, dans un texte publié sur Medscape [1], édition internationale. Cet interniste diplômé en gastronomie qui prône au travers des livres de cuisine et d’émissions culinaires le bien-manger, la nutrition et plus généralement l’hygiène de vie, revient sur l’expérience du bar à vin du CHU de Clermont-Ferrand et livre sa prescription-type de vin chez un patient en fin de vie - si celui-ci, bien sûr, en manifeste l’envie.
Consommation de vin « supervisée médicalement »
Le vin est-il bon pour la santé ? Le débat fait régulièrement surface, on évoque les doses, l’origine du vin, son effet dans différentes pathologies, le risque alcoolique. « Prescrire du vin sonne comme un anathème pour les médecins qui voient dans sa consommation une cause de mortalité et de morbidité » affirme le Dr La Puma en préambule dans son texte. Pourtant, poursuit-il, s’il existe des preuves de l’intérêt d’une consommation modérée de vin comme facteur de vie saine (voir encadré ci-dessous), il y a encore plus sur son intérêt en fin de vie.
La saga des publications sur le vin On ne compte plus les articles sur les propriétés, supposées ou pas, du vin pour la santé. Avec le temps, on est passé des bénéfices de l’alcool, à ceux des antioxydants et notamment des polyphénols. Et on a porté aux nues le resvératrol pour ses vertus de longévité – même si une étude a récemment mis à mal ce bénéfice. ll n’en reste pas moins admis qu’une consommation modérée de vin rouge au sein d’un régime dit méditerranéen est bénéfique en prévention secondaire après un infarctus du myocarde, de même qu’en prévention primaire des maladies cardiovasculaires. |
Aux Etats-Unis, la consommation de vin chez les patients en fin de vie « supervisée médicalement » est encore illégale dans la plupart des institutions de santé. « Si l’on passe en revue un certain nombre de sites, depuis l’American Heart Association (AHA), jusqu’à l’Association nationale des soins palliatifs, aucun n’en fait mention. Les seules possibilités de prescription d’alcool à un patient correspondent à des cas médicaux bien précis et très limités : principalement comme inhibiteur compétitif en cas d’empoisonnement au méthanol ou à l’éthylène glycol.
Dans le passé, l’alcool a pu être prescrit dans le traitement du delirium tremens, et pendant la prohibition il était légalement possible d'obtenir de l'alcool sur ordonnance pour raisons médicales (whisky médicinal).
Retrouver le goût de vivre
C’est la France qui a lancé le débat l’été 2014, en annonçant, de façon tout-à-fait impromptue, via un communiqué de l’hôpital universitaire de Clermont-Ferrand, l’ouverture d’un bar à vin dans le service des soins palliatifs de l’établissement, celui-ci devenant de fait précurseur au niveau national [2]. L’idée, il est vrai, a de quoi surprendre – même dans un pays de forte tradition viticole – puisqu’il s’agissait de créer au sein de l’établissement un espace proposant aux patients du service de Soins Palliatifs une dégustation de vins « médicalement encadrée. » « Une autre façon de penser le prendre soin de l’autre, expliquait alors au magazine en ligne The Local le Dr Virginie Guastella, chef du service concerné, défendant ainsi pour les patients en fin de vie « le droit de se faire plaisir et de faire plaisir» [3]. Etant donné que les français entretiennent un rapport hédonique à la nourriture et au vin, pourquoi refuser les saveurs des terroirs aux personnes en fin de vie puisque rien ne justifie un tel interdit.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Fin de vie : Faut-il prescrire du vin rouge ? Et si oui, comment ? - Medscape - 12 janv 2016.
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