Faut-il relever le seuil d’hémoglobine avant transfusion chez le cardiaque ?

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

5 janvier 2016

Boston, Etats-Unis – L’analyse de plus de 250 000 dossiers de patients admis en soins intensifs – dont 12,4 % ont bénéficié d’un remplissage avec des culots globulaires – a permis à l’équipe du Dr Yew Ding (Boston, Etats-Unis, et Singapour) de définir trois seuils optimaux de transfusions.

3 seuils optimaux de transfusion

- 7,7 g pour des patients tout venant

- 8,7 g pour ceux qui souffrent de cardiopathie

- 10 g en cas d’infarctus du myocarde aigu.

Une fois ces seuils dépassés, l’augmentation de 1 point (gramme/L) du taux d’hémoglobine est associée à une baisse du risque de décès de 22 %.

Ces seuils ont été calculés en prenant en compte le ratio bénéfice/risque des transfusions puisque ce geste peut être à l’origine de complications infectieuses, allergiques, auto-immunes, pulmonaires ( TRALI : Transfusion Related Actute Lung Injury, lié à la présence d’anticorps anti-HLA chez le donneur) ou peuvent être à l’origine d’une surcharge cardiaque (OAP cardiogénique).

Politique restrictive ou libérale

Ce travail d’analyse a été mené de façon rétrospective à partir d’une base de données comportant des hôpitaux situés sur tout le territoire des Etats-Unis.

En l’absence de recommandations formelles aux Etats-Unis, les différents établissements utilisaient deux types d’approches transfusionnelles. Tous les patients dont le taux d’hémoglobine était < 7 à 8 g/L étaient transfusés. Mais pour ceux dont la valeur était située entre 8 et 10 g/L, les réanimateurs choisissaient d’appliquer une politique restrictive (pas de transfusion même pour les malades atteints de pathologie cardiaque) ou libérale (transfusion décidée par le réanimateur en fonction des antécédents cardiovasculaire en cas d’hémoglobine < 10 g/L).

La question du seuil de recours aux culots globulaires pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque n’a jamais été tranchée jusqu’à présent en raison de la difficulté à mettre en œuvre une étude comparative dans ce contexte.

Bénéfice sur la survie

La population analysée compte 258 826 passages en soins intensifs. Dans cette population, 30 086 patients sont décédés (11,8 %), et une transfusion a été pratiquée dans 32 097 cas (12,4 %).

L’analyse statistique a pris en compte le taux d’hémoglobine choisi pour la transfusion et le risque de décès dans les 30 jours suivant le geste, et ce pour trois catégories de patients : ceux sans pathologies préexistante, ceux atteints d’une cardiopathie, enfin, ceux qui souffraient d’infarctus du myocarde aigu.

Globalement, le risque de décès était plus important pour les patients tout-venant lorsqu’ils étaient transfusés avec un taux d’hémoglobine de base de plus de 7,8 g/L. C’était aussi le cas des patients porteurs d’une coronaropathie connue, et dont le taux d’hémoglobine était de plus de 8,7 g/L. Enfin, en cas d’infarctus, la valeur seuil était de 10 g/L.

Pour les auteurs, « il existe, selon les types de patients, un seuil délétère qu’il faut garder en mémoire. Mais en dessous de ce seuil, le bénéfice d’une transfusion est tellement important (réduction de 22 % des décès par gramme d’Hb) qu’il est licite de suppléer en globules rouges, même si le geste de transfuser peut entrainer des complications ».

Chez les patients insuffisants cardiaques, l’anémie pourrait majorer les risques d’ischémie cardiaque et l’activation du système sympathique. En outre, la fonction cardiaque de ces patients pourrait limiter les phénomènes de compensation du fait d’une fraction d’éjection ventriculaire faible.

En France, la valeur seuil de 7 g/L en réanimation
Selon les dernières recommandations de l’ANSM , émises en 2014, le seuil transfusionnel de 7g/L est recommandé en réanimation en l’absence d’insuffisance coronarienne aiguë, y compris chez les patients atteints de cardiopathie chronique équilibrée.

En présence d’une insuffisance coronarienne aiguë, le seuil transfusionnel est placé à 10 g/L.

Différentes alternatives à la transfusion sont par ailleurs proposées : utilisation de fer en cas de carence martiale, recours à l’EPO en préopératoire, injections d’acide tramaxanique (Exacyl®) en périopératoire et en cas de polytraumatisme.

L’ANSM propose également la récupération de sang en per-opératoire en cas de chirurgie cardiaque et vasculaire – sauf, bien sûr, si le champ opératoire est potentiellement infecté – et en ne dépassant pas un volume de 1 000 ml.

 

REFERENCE :

  1. Ding Y, Kader B, Christiansen C, et coll. Hemoglobin Level and Hospital Mortality Among ICU Patients With Cardiac Disease Who Received Transfusions. J Am Coll Cardiol, 2015; 66(22) : 2510-18.

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