Portland, Etats-Unis – On peut évaluer un risque d’arrêt cardiaque à plus ou moins long terme, et en cas de risque élevé, implanter un défibrillateur. Prédire la survenue d’un arrêt cardiaque à court terme, dans les semaines ou les jours qui viennent, semble en revanche parfaitement illusoire. Un travail mené conjointement dans l’Oregon par des équipes du Cedars-Sinai Medical Center (Los Angeles), de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (Paris), et de l’Université de Portland, ouvre peut-être une piste [1].Le Dr Eloi Marijon (HEGP, Paris), premier signataire du papier, commente l’étude pour Medscape, édition française.
A ce stade, il n’est pas question de parler de prédictibilité de l’arrêt cardiaque. Néanmoins, selon les résultats publiés dans les Annals of Internal Medicine, des douleurs angineuses ou des dyspnées ont précédé l’évènement chez 51% des patients dans les 4 semaines précédant l’arrêt cardiaque. Par ailleurs, ces symptômes ont presque systématiquement réapparu dans les 24 heures précédant l’évènement. Ils ont déclenché un appel aux urgences dans 19% des cas. Enfin, dans ce groupe de patients qui a donné l’alerte, même si l’arrêt n’a pas été empêché, la survie après l’évènement se révèle malgré tout cinq fois supérieure.
« Nous avons toujours considéré l’arrêt cardiaque comme tellement inattendu qu’il n’y aurait pratiquement rien à faire », a commenté le Dr Sumeet Chugh (Cedars-Sinai Heart Institute) pour Medscape International. « La première surprise est donc que la mort subite pourrait être moins subite qu’on ne le pensait. Nous avons également été étonnés de constater que des symptômes peuvent être présents non seulement dans les 24 heures précédant l’arrêt, mais, chez certaines personnes, durant les 4 semaines précédant l’évènement ».
« Pour le moment, on ne peut pas dire que toute personne présentant une douleur à la poitrine ou un souffle court, doit appeler les urgences – ce serait une catastrophe », poursuit le Dr Chugh. « Mais nous savons maintenant que nous avons un moyen potentiel pour faire reculer la mort subite, et nous devons donc chercher à identifier des profils à haut risque – peut-être une combinaison de circonstances, de profil clinique et de symptômes. Si nous pouvons identifier de tels profils, alors nous disposons d’une fenêtre de 27 jours et 23 heures plus longue que ce que nous pensions pour tuer l’arrêt cardiaque dans l’œuf ». [Par définition, une mort subite est présumée d’origine cardiaque lorsqu’elle survient dans l’heure suivant l’apparition de symptômes].
Des enquêtes quasi policières Interrogé par Medscape France, le Dr Eloi Marijon explique que « l’intérêt de l’étude tient à ce qu’elle évalue les symptômes chez des victimes d’arrêt cardiaque, qu’ils aient ou non survécu à l’évènement. Cette analyse a été possible dans l’Etat de l’Oregon, qui mène depuis 2002 un programme approfondi sur l’arrêt cardiaque et où les équipes d’urgence sont particulièrement sensibilisées. A la sortie des urgences, les rapports sur les patients sont extrêmement complets. Pour rechercher les symptômes éventuellement ressentis dans le mois précédant l’arrêt, des enquêtes quasi policières ont été menées auprès des médecins, mais aussi des voisins, de la famille, etc. Tous les survivants ont par ailleurs été requestionnés ». |
Citer cet article: Vincent Bargoin. Mort subite : dans la moitié des cas, des prodromes jusqu’à 4 semaines avant - Medscape - 4 janv 2016.
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