Sens, France -Les données de l’Ordre des médecins sur la démographie médicale dans le département de l’Yonne sont éloquentes [1]. Entre 2007 et 2015 ce département de la région Bourgogne a perdu 12,1% de l’ensemble de ses médecins en activité. Selon les projections du CNOM, cette chute devrait se poursuivre sur les cinq prochaines années : entre 2015 et 2020, la décrue serait de 8,3%, tandis que la population de l’Yonne augmenterait parallèlement de 5,2%. Alors que la densité moyenne nationale est de 281,4 médecins pour 100 000 habitants, celle de l’Yonne n’est que de 193,7. Dans les prochaines années, cette densité pourrait chuter jusqu’à 175,2/100 000 habitants.
Désert médical
Bref, l’Yonne est ce qu’il est convenu d’appeler un désert médical. « Quand je me suis installé à Sens, il y a 22 ans, nous étions 44 généralistes et nous ne sommes plus que 26 actuellement », témoigne le Dr Jean-Luc Dinet, président de SOS médecins à Sens, et vice-président de SOS médecins au niveau national. Résultat : de nombreux patients, parmi les plus précaires, n’ont plus de médecins traitants.
« Plus la démographie médicale diminuait et plus on nous sollicitait pour des renouvellements d’ordonnance, alors que nous sommes des médecins de la permanence des soins. Bien sûr, nous acceptions, tout en sachant que ce n’était pas une solution : un renouvellement d’ordonnance requiert un examen clinique par exemple », ajoute-t-il.
Pour pallier ce phénomène, SOS médecins Sens, fort de six médecins, réfléchit depuis deux ans à une solution novatrice, alternative à la carence en médecins traitants. « Nous avons travaillé main dans la main avec le centre communal d’action social (CCAS) de Sens sur ce projet. Sens est une petite ville où tout le monde se connaît. Cela en fait un bon laboratoire », précise-t-il.
Un protocole de partenariat a donc été signé entre le CCAS de Sens, et l’association SOS médecins Sens ce 18 décembre. But affiché de cette collaboration : orienter les personnes âgées précaires, résidant à Sens, sans médecin traitant, atteintes de maladie chronique et en difficulté de mobilité, vers SOS Médecins Sens pour une prise en charge médicale. « C’est le CCAS qui identifie les patients sélectionnés. Le critère de l’âge n’est pas forcément pertinent : une personne âgée de 95 ans qui conduit sa voiture n’aura pas forcément besoin de notre aide, contrairement à une personne de 60 ans hémiplégique. »
Début le 6 janvier
En pratique, ce protocole devrait débuter le 6 janvier prochain. Cinq médecins se sont portés volontaires pour cette expérimentation qui devrait durer un an, renouvelable. Côté patients, le programme devrait prendre en charge entre 120 et 200 personnes, adressés par le CCAS à SOS médecins, et répondant aux critères de précarité et de manque de mobilité avant tout.
« Tous les trois mois, nous effectuons une visite à domicile chez ces patients qui n’ont plus de médecins traitant, afin de faire avec eux un bilan de santé. Nous sommes là avant tout pour renouveler le traitement. S’ils sont malades, ils devront passer par le circuit normal. Le roulement sera assuré toutes les 12 semaines », détaille le Dr Dinet.
Expérience novatrice, ce protocole d’accord a été signé avec l’aval de l’Union nationale des CCAS (Unccas) et SOS Médecins France. « Si l’expérimentation se révèle concluante, nous tenterons de la décliner à l’échelle nationale, pour toutes sortes de populations. » Autre avantage : cette expérimentation ne coûte pas un sou. Les patients pris en charge régleront leur consultation, ou bénéficieront du tiers-payant, s’ils y ont droit. À noter : SOS médecins n’a bénéficié d’aucune aide de la part des pouvoirs publics pour la mise en place de ce protocole.
REFERENCE :
Citer cet article: Jean-Bernard Gervais. Déserts médicaux : un « partenariat » avec SOS médecins à Sens - Medscape - 28 déc 2015.
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