Paris, France-- « En 2012, notre objectif était d’atteindre les 70% d’hypertendus traités contrôlés en 2015 en France. C’était un doux rêve mais nous avons tout de même progressé », a commenté le Dr Bernard Vaisse (président du Comité Français de Lutte contre l’Hypertension Artérielle et cardiologue à l’hôpital de la Timone, à Marseille) lors de la présentation des résultats de l’enquête FLAHS (French League Against Hypertension Survey) 2015 aux 35èmes Journées de l’Hypertension Artérielle [1].
Ces enquêtes, réalisées chaque année depuis 2001 par le Comité Français de lutte contre l'HTA/Kantar Health, visent à mieux cerner le mode de vie et la prise en charge des hypertendus en France.
Cette année, l’étude FLASH a été menée auprès de 6379 français d’au moins 55 ans dont 1724 hypertendus traités disposaient d’un appareil d’automesure tensionnelle.
Les résultats révèlent que loin des 70% espérés, seuls 55 % des patients de plus de 55 ans possédant un appareil d'automesure sont contrôlés (<135/85 mm Hg). Le contrôle tensionnel est de 51% chez les hommes et de 60% chez les femmes, probablement en raison d’une meilleure observance chez ces dernières.
En projection, en 2015, on dénombre 10 millions de français hypertendus de plus de 55 ans traités. Ils sont en surpoids une fois sur deux et 11% sont fumeurs. Parmi les patients traités pour une hypertension, 44% disposent d’un appareil d’automesure tensionnelle (vs 36% en 2010).
Trop de monothérapies et trop de bêtabloquants
Concernant les stratégies thérapeutiques, 46% des patients reçoivent des monothérapies, 36 % des bithérapies, 14 % des trithérapies et 4% de quadrithérapies ou plus.
« Sur 10 ans, les monothérapies sont passées de 55 à 46%. En revanche, nous n’avons encore que 14% de trithérapies ! », a déploré le Dr Vaisse.
Autre constat frappant, toutes ordonnances confondues, les bêtabloquants sont les antihypertenseurs les plus prescrits avec les ARA II (32% des cas) versus 26% d’IEC, 30% d’inhibiteurs calciques (ICA), 28% de diurétiques et 4% d’antialdostérone.
« Comme les bêtabloquants sont efficaces et bien tolérés, les médecins les prescrivent. Et, les habitudes mettent du temps à disparaitre. Or, on ne peut pas se rendre compte sur le plan individuel que les bêtabloquants sont un peu moins efficaces que les autres médicaments. Ce chiffre est un peu décevant. On préfèrerait qu’il y ait moins de prescriptions de bêtabloquants et plus de diurétiques ou de bloqueurs du système rénine angiotensine. Il faut continuer à diffuser les recommandations pour ajuster les prescriptions », commente le Pr Jacques Blacher (Président des Journées de l’hypertension artérielle ; Unité HTA, prévention et thérapeutique cardiovasculaires. Centre de diagnostic et de thérapeutique, Hôtel-Dieu, Paris) pour Medscape édition française.
Même observation pour les monothérapies, les bêtabloquants restent les antihypertenseurs les plus prescrits : 25% versus 24 % d’ARA II, 21% d’IEC, 19% d’ICA, 4% de diurétiques et 6% d’anti aldostérone.
« En monothérapie, ce chiffre doit nous interpeler car ce n’est pas efficient. Passé 60 ans, les bêtabloquants sont moins efficaces dans le traitement de l’hypertension artérielle même s’ils gardent leur intérêt dans d’autres pathologies comme l’insuffisance cardiaque ou les troubles du rythme », souligne le Dr Vaisse
Tout aussi décevant, les bithérapies recommandées par la Société Française d’Hypertension et la Société Européenne d’Hypertension (ESH) : bloqueur du système rénine angiotensine + diurétique ou bloqueur du système rénine angiotensine + inhibiteur calcique, ne représentent que 57% des choix (IEC + diurétique =13%, ARAII + diurétique =20%, IEC + ICA =11%, ARAII + ICA=13%).
« Cela signifie qu’il y a 43% des bithérapies qui ne sont pas optimales. Il faut progresser », martèle l’orateur.
Enfin, 78% des trithérapies ne sont pas celles recommandées par les experts. L’association ARAII + ICA + diurétique n’est prescrite que dans 14% des cas et l’association IEC + ICA + diurétique que dans 8% des cas. Les bêtabloquants, eux, sont présents dans 66% des prescriptions.
« Améliorer l’observance et les associations médicamenteuses nous permettra d’arriver à 70 % des hypertendus traités contrôlés, mais je ne sais pas quand », conclut l’orateur.
Il rappelle par ailleurs les conclusions de l’essai SPRINT et souligne que dans FLAHS 2015, le nombre de médicaments pris en moyenne est de 1,7.
« Par comparaison dans l’essai SPRINT, les patients du groupe témoin reçoivent 1,8 médicaments antihypertenseurs en moyenne contre 2,8 en moyenne dans le groupe qui est traité intensivement. Pour arriver à un meilleur contrôle, il faudra aussi augmenter le nombre de médicaments chez les personnes qui résistent, ce qui n’est pas encore fait en France. »
Le Dr Vaisse n’a pas de liens d’intérêt à déclarer en rapport avec le sujet. Le Pr Jacques Blacher a effectué des interventions dans le cadre d’essais cliniques, recherche scientifique, comités scientifiques, rapports d'experts, conférences, séminaires, formation, participation à divers colloques, rédaction des brochures pour : Ardix-Therval, Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Bouchara Recordati, Daichii Sankyo, Danone, Eutherapie, GSK, IPSEN, Menarini, Merck Serono, MSD, Novartis, Pierre Fabre, Pileje, Roche, Sanofi, Servier, et Takeda. |
Citer cet article: HTA en France : encore trop de monothérapies et trop de bêtabloquants - Medscape - 24 déc 2015.
Commenter