Dans un modèle multivariable ajusté, les critères suivants sont associés à l’interruption précoce du traitement : l’exposition à des informations négatives (risque relatif d’interruption vs. non interruption : 1,09 ; IC 95% [1,06-1,12]) ; l’augmentation de l’année calendaire (RR=1,04 / an ; [1,02-1,07]) ; la dose initialement prescrite (RR=1,04 pour la forte dose vs. la faible dose ; [1,02-1,06]) ; le sexe masculin (RR=1,05 ; [1,03-1,06]) ; l’habitat urbain (RR=1,13 dans une ville de plus de 100.000 habitants ; [1,11-1,15]) ; une ascendance non danoise (RR=1,67 ; [1,63-1,71]).
A l’inverse, le taux de non renouvellement de prescription diminue lorsque des informations positives sur les statines sont publiées (RR=0,92 ; [0,90-0,94]), en cas de maladie cardiovasculaire lors de la prescription (RR=0,73 ; [0,72-0,74], et en cas de diabète (RR=0,91 ; [0,90-0,93]).
On note que l’interruption précoce des statines n’était pas associée à la publication d’articles neutres, ni au pourcentage de la population sous statine (paramètre important de la diffusion des rumeurs), ni encore à l’âge du patient, ni à son niveau d’éducation.
En fonction de la diffusion des différents facteurs de risque, les auteurs calculent que la part attribuable en population aux « mauvaises nouvelles », est de 1,3% des interruptions précoces de traitement, 3,6% pour une dose élevée, 2,5% pour le sexe masculin, 4,2% pour l’habitat urbain, 3,7% pour une origine non danoise.
La critique des statines dans les médias, facteur de morbi-mortalité CV ?
L’étude ne s’arrête pas là. Durant un suivi qui a duré jusqu’à fin 2011, les risques d’infarctus du myocarde et de décès cardiovasculaire étaient respectivement de 1,26 ([1,21-1,30]) et 1,18 ([1,14-1,23]) chez les sujets qui avaient interrompu précocement leur traitement, par rapport à ceux qui l’avaient poursuivi. Il est donc possible de calculer indirectement un impact clinique d’une exposition à des discours négatifs sur les statines.
« La contribution de nouvelles négatives sur les statines diffusées à l’échelle nationale sur le risque d’IDM, via l’interruption précoce d’une statine, est de 1,02 ([1,01-1,03]) », écrivent les auteurs. Pour le risque de décès CV, cette contribution serait de 1,01 ([1,01-1,02]).
Ces calculs indirects sont naturellement fragiles. Par ailleurs, association n’implique pas causalité. Néanmoins, l’idée est là : un discours faux, ou même seulement approximatif, peut avoir des effets délétères en santé publique.
En elle-même, cette idée est d’ailleurs plutôt évidente. La nouveauté serait qu’elle devienne démontrable. On n’en est pas là : l’étude danoise reste bien en deçà des standards de la démonstration. Néanmoins la voie est tracée : la démonstration en bonne et due forme viendra tôt ou tard. Les journalistes seront-ils alors confrontés à des « guidelines » opposables, ou au moins à des codes de bonne conduite, cadrant l’information médicale « dans l’intérêt des patients »?
| Le travail a été financé par l’Hôpital Universitaire de Copenhague. Le Dr Sune Fallgaard Nielsen déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec le sujet. Le Dr Børge Grønne Nordestgaard déclare des liens d’intérêt avec Astra Zeneca, Pfizer, Merck, Amgen, Sanofi, Regeneron, Omthera, Dezima, ISIS Pharmaceuticals, Aegerion, Fresenius, B. Braun, Kaneka, Lilly, Kowa, et Denka Seiden. |
REFERENCES :
Nielsen SF, Nordestgaard BG. Negative statin-related news stories decrease statin persistence and increase myocardial infarction and cardiovascular mortality : a nationwide prospective cohort study. Eur. Heart J. 2015 ; doi:10.1093/eurheartj/ehv641.
Citer cet article: Vincent Bargoin. Statines : ce qu’en disent les médias déteint sur l’observance - Medscape - 18 déc 2015.
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