Statines : ce qu’en disent les médias déteint sur l’observance

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

18 décembre 2015

Copenhague, Danemark – Un travail danois publié dans l’European Heart Journal, suggère une corrélation temporelle entre publications d’informations défavorables aux statines dans les médias grand-public, et non renouvellement d’une première ordonnance [1]. Les auteurs vont jusqu’à suggérer une responsabilité de ces informations dans l’excès de morbi-mortalité attribuable à ce non-renouvellement. Enfin, à l’inverse, des articles favorables, sont, eux, associés à un accroissement du taux de renouvellement.

Les notions que manie le travail danois sont bien entendu à haut risque : la presse, sa liberté, la responsabilité qui va avec, et sur un autre plan, les statines, la valeur des guidelines ou les difficultés de l’observance, sont des questions qui, toutes, font actuellement l’objet de controverses. Et qui toutes, se retrouvent dans le cabinet médical sous la forme de patients surinformés mais pas toujours bien informés.

Un précédent en France

Suite aux publications des livres du Pr Philippe Even «La vérité sur le cholestérol» et du Dr Michel de Lorgeril « Cholestérol, mensonges et propagande » début 2013, et à la polémique qui a suivi sur l'intérêt des statines, notamment en prévention primaire, le Pr Etienne Puymirat (HEGP, hôpital Necker, Paris) a mené, avec 4 autre cardiologues, une petite enquête dite EVANS (Évaluation de l'impact de la controverse récente sur les statines en France) portant sur les 144 patients sous statine vus en consultation durant le mois de mars 2013 au sein de 3 centres (HEGP, Necker, centre privé à Issy les Moulineaux).

Parmi les 37 patients en prévention primaire, 24,3% ont déclaré, dans un questionnaire, avoir l’intention d’arrêter les statines. Parmi les 105 patients en prévention secondaire, ils étaient 8,6% à déclarer ce choix. On note que tous les patients souhaitant arrêter présentaient des effets secondaires musculaires.

Les auteurs ont ensuite extrapolé ces résultats à l’ensemble de la population française, en se basant sur la méta-analyse du Cholesterol Treatment Trialists', publiée en 2009, et sur une étude épidémiologique de la Cnamts de 2010 [3].
Selon cette extrapolation, si 24 % des patients traités en prévention primaire décidaient de ne plus prendre leur traitement, il y aurait alors 4320 événements induits, dont 953 décès. En prévention secondaire, l'arrêt de la statine chez les 8 % des patients traités induirait 672 événements par an, dont 206 décès. Le total est de 4992 événements cardiovasculaires majeurs et de 1159 décès en France.

La méthodologie et les résultats de l'étude sont naturellement critiquables, ne serait-ce que parce que déclarer vouloir interrompre un traitement, et l’interrompre effectivement sont deux choses très différentes.

« Il s'agit d'un sondage, plus que d'une étude. Il faut la prendre comme telle », déclarait alors le Pr Nicolas Danchin (HEGP, France), coauteur de l’étude, interrogé par Medscape Edition Française.

« Nous avons cherché à estimer la proportion de patients susceptibles d'arrêter leur traitement à la suite de la polémique du début d'année 2013 puis à modéliser les conséquences en fonction du nombre de patients traités par statines en France en séparant prévention primaire et secondaire. Le but était simple : tirer la sonnette d'alarme sur l'impact de santé que cela pourrait avoir. Nous lançons d'importants messages de santé publique à travers les médias, et il faut se rendre compte qu'il y a un impact potentiel. Le but n'était pas de comptabiliser les décès attribuables aux possibles arrêts de traitement associés à cette polémique au mort près. Mais, si on lance des messages sans réfléchir, il peut y avoir des conséquences y compris dramatiques ».

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....