Pr Eric Galam
Paris, France – Plus d’un quart des étudiants en médecine sont déprimés ou présentent une symptomatologie dépressive, selon une méta-analyse qui a colligé une cinquantaine d’études internationales portant sur plus de 17 000 internes [1, 2]. Si la publication ne comprend aucune étude française, des études, des évaluations à petite échelle et des témoignages montre que la situation n’est guère plus brillante dans l’Hexagone [3 -5]. Nous avons demandé au Pr Eric Galam, Professeur Associé Médecine Générale (Université Paris Diderot) et Coordonnateur de l’Association Aide aux Professionnels de santé et Médecins Libéraux (AAPML) en quoi l’internat, moment où le futur médecin doit se confronter, pour la première fois, à part entière à l’activité clinique, est une période à risque de burn out et quels sont les pistes pour y remédier.
Medscape France : En quoi les études de médecine sont-elles de plus en plus stressantes ?
Pr Eric Galam : Elles ont toujours été stressantes : beaucoup de connaissances à accumuler, une extrême variabilité des situations rencontrées qui justement ne correspondent pas toujours, loin s’en faut à ce qui est écrit dans les livres ou vu dans les services hospitaliers hyper spécialisés, une violation obligée des règles de la vie sociale marquée par l’accès aux corps dénudés et aux âmes souffrantes, un bouleversement des aspirations à « sauver des vies », la confrontation à nombre de dilemmes éthiques, à des comportements parfois peu recommandables de la hiérarchie ou des collègues. Sans oublier l’hyper-travail et à la double contrainte qui oblige à en être fier et interdit de s’en plaindre…..Le « devenir médecin » est certes une chance méritée mais c’est aussi un parcours quasi initiatique et toujours plus ou moins violent. C’est ce qu’on appelle le « hidden curriculum », le parcours implicite qui « convertit » un profane en médecin. Cette acculturation est fondée sur des règles dont on ne parle pas, tant elles sont évidentes et contraignantes : pas de place pour l’émotion, pour le doute, pour la contradiction, l’échec, l’erreur, la critique. ….Pas de place non plus pour la fragilité ou la demande d’aide même si tous savent qu’elles existent.
Medscape France : Les étudiants sont-ils préparés à ce qui les attend ?
Pr Eric Galam : Absolument pas ! Et c’est pourquoi, lorsque survient l’émotion brutale ou insidieuse, l’erreur avérée ou les reproches inattendus, ils ne sont pas du tout armés pour l’assumer. Ils sont alors conduits à supporter tout seuls des blessures pourtant d’origine professionnelle. Plus encore, lorsqu’ils sont malades ou dysfonctionnels, ils peuvent ressentir un sentiment d’indignité, voire de trahison.
Medscape France : Exige-t-on d’eux plus de savoir-faire qu’avant ?
Pr Eric Galam : Je ne sais pas si on exige plus qu’avant mais en tout cas, on n’est plus dans une transmission linéaire et sans problèmes. Les jeunes ne veulent plus ressembler à leurs aînés, ils commencent à se révolter. Mais comme ils n’y parviennent pas complètement en raison des normes sociales et culturelles auxquelles ils sont soumis, ils ne s’y retrouvent plus. De fait, soit ils abandonnent, soit ils prennent sur eux et basculent dans le burnout, soit ils n’y croient plus et ils dépriment.
L’enquête que j’ai dirigée en 2011 auprès de tous les internes de médecine générale de France (plus de 6000) a d’ailleurs montré que 58% des internes présentaient au moins un des 3 critères de burnout [6].
Medscape France : Quels sont les liens entre dépression et risque de mauvaises pratiques ?
Pr Eric Galam : C’est un cercle vicieux. La souffrance psychique ne laisse plus la place à la réflexion et à la sérénité. Comment voulez-vous trouver l’énergie de vous intéresser vraiment à vos patients, de penser à la qualité des soins ? Comment peut-t-on alors décider lucidement ?
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Comment soigner le burn out des internes ? Nos questions au Pr E Galam - Medscape - 17 déc 2015.
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