Cancer de la prostate : plus de maladies d’Alzheimer après hormonothérapie ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

15 décembre 2015

Philadelphie, Etats-Unis — La déprivation androgénique utilisée comme traitement du cancer de la prostate doublerait le risque de développer une maladie d’Alzheimer, selon une vaste étude rétrospective américaine sur près de 17 000 patients [1].

Les auteurs, le Dr Kevin Nead (radio-oncologue, Université de Pennsylvanie, Philadelphie, Etats-Unis) et coll. précisent toutefois que leurs données demandent à être confirmées par des études prospectives.

Les résultats proviennent de l’analyse de 5 millions de données médicales issues de deux grands systèmes hospitaliers américains, celui de l’université de Standford (1994 à 2013) et celui de l’hôpital du Mont Sinaï à New York (2000 à 2013).

Ils sont publiés dans l’édition en ligne du Journal of Clinical Oncology du 7 décembre.

Les hommes qui avaient reçu une chimiothérapie ont été exclus de l’analyse en raison de la possible association entre chimiothérapie et déficits cognitifs.

Après 2,7 ans de suivi, le risque de développer une maladie d’Alzheimer chez les 2397 patients qui avaient reçu une thérapie anti-androgénique était presque doublé (RR=1,88 ; IC 95% : 1,10 à 3,2, p=0,02) par rapport à celui des 14 491 patients qui n’en avaient pas eu. Il était même 2,12 fois supérieur chez les hommes qui avaient reçu l’hormonothérapie pendant plus d’un an (IC 95% :1,11 à 4,03, p=0,01).

En parallèle, dans le groupe traité par hormonothérapie, le risque était significativement accru chez les patients qui avaient reçu le traitement plus de 12 mois par rapport à ceux qui avaient été traités sur une plus courte période (p=0,016).

Un faisceau de preuves ?

Si aucun lien de causalité ne peut être mis en évidence par cette étude, le Dr Nead et coll. soulignent que plusieurs arguments suggèrent que la castration chimique a des effets neurotoxiques.

« Il y a de plus en plus d’études qui laissent penser que l’utilisation de la thérapie anti-androgénique peut être associée à des changements cognitifs. Or certains de ces changements se confondent avec les symptômes de la maladie d’Alzheimer », indiquent-ils.

Ils ajoutent que des « mécanismes plausibles » pourraient expliquer « les effets neuropathiques de la déprivation androgénique dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer », notamment le fait que les androgènes favorisent la croissance neuronale et la régénération axonale.

En outre, ils précisent qu’auparavant, des études ont montré que chez les hommes atteints de la maladie d’Alzheimer, la supplémentation en testostérone améliorait la mémoire spatiale et verbale.

Faut-il avertir les patients ?

Le Dr Nead ne recommande pas, pour le moment, d’avertir les patients de la possibilité d’un lien entre la thérapie anti-androgénique et le développement de la maladie d’Alzheimer.

« Informer les patients d’une association entre la déprivation androgénique et la maladie d’Alzheimer ne sera approprié que si d’autres études confirment nos données », commente l’oncologue.

Un avis que ne partage pas le Pr Brian Gonzalez (Institut du cancer Rutgers du New Jersey, Etats-Unis), interrogé par Medscape édition internationale.

Selon lui, « les urologues devraient discuter du risque de détérioration de la fonction cognitive avec les patients atteints de cancer de la prostate lorsqu’ils abordent le rapport bénéfices/risques de la déprivation androgénique, un traitement potentiellement salvateur. »

 

REFERENCE :

  1. Nead K, Gaskin G, Chester C et coll. Androgen Deprivation Therapy and Future Alzheimer’s Disease Risk J Clin Oncol. 2015. Publié en ligne le 7 décembre 2015.

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