La méditation de pleine conscience serait plus efficace qu’un placebo sur la douleur : décryptage

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

30 novembre 2015

Winston-Salem, Etats-Unis – Une étude américaine, parue dans Journal of Neuroscience, montre que la pratique de la méditation de pleine conscience entraine un soulagement de la douleur supérieur à celui obtenu par un placebo [1]. Plus intéressant, les examens d’imagerie (angio-IRM anatomique et fonctionnelle) indiquent pour la première fois que la méditation active des zones cérébrales très différentes de celles stimulées par un placebo dans le soulagement de la douleur, ce qui indiquerait qu’il s’agit d’un processus cognitif distinct.

« Nous sommes très surpris par ces résultats, a commenté le chercheur Fadel Zeidan (Neurobiologie et anatomie, Wake Forest Baptist), premier auteur de l’étude, dans un communiqué [2]. Nous nous attendions à observer des chevauchements des régions cérébrales impliquées entre les deux « thérapeutiques » [méditation et placebo] mais notre étude montre que la méditation de pleine conscience agit sur le soulagement de la douleur par des voies qui lui sont bien spécifiques. »

Ces résultats spectaculaires ont suscité l'engouement et ont été repris à grand renfort d’articles dans les médias. Mais si l’idée de s’intéresser en termes d’imagerie à la neuroplasticité cérébrale en réponse à la méditation versus effet placebo est séduisante, l’analyse du protocole de l’étude et la connaissance de la pratique méditative incitent à émettre quelques réserves quant aux résultats obtenus et à l’interprétation qui en est faite. Commentaires du chercheur Antoine Lutz (Inserm, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon) interrogé par Medscape.

75 participants naïfs de toute pratique méditative

« La méditation de pleine conscience a montré à plusieurs reprises qu’elle était capable d’influer sur l’expérience douloureuse au travers d’évaluations cliniques et expérimentales » écrivent les auteurs. Jon Kabat-Zinn, pionnier de l’application de la méditation de pleine conscience en médecine, a d’ailleurs été le premier à en faire la démonstration. Mais les mécanismes sous-jacents sont jusqu’à présent encore mal connus : s’agit-il des mêmes voies et connexions neuronales que lors de l’effet placebo ? Faut-il tenir compte du rôle de facteurs (confondants) propres à l’expérience de la méditation de pleine conscience comme le contexte psychosocial, la capacité d’attention, la respiration, la posture, les croyances associées…? Pour le savoir, Fadel Zeidan et son équipe ont mis au point un protocole assez élaboré comportant une double approche de l’évaluation de la douleur – l’une subjective, par des méthodes de cotations, l’autre objective, grâce à l’imagerie cérébrale.

Au total, 75 participants en bonne santé, sans douleur particulière, et n’ayant jamais fait de méditation de pleine conscience, ont été recrutés et assignés de façon aléatoire à l’un des 4 groupes :

- Groupe méditation de pleine conscience (MPC) : les participants ont participé à des sessions de 20 minutes réparties sur 4 jours séparés où on leur expliquait les principes de base de la MPC : accueillir ses pensées, ses sentiments et/ou émotions, sans les juger, et se concentrer sur la respiration dès qu’un « évènement » vient perturber cet état;

- Groupe méditation « placebo », selon une méthode validée précédemment par l’équipe de Fadel Zeidan. Ici, les participants sont informés qu’ils sont inclus dans le groupe de méditation de pleine conscience, les conditions (posture, yeux fermés, temps passé : 4 fois 20 min, instructeur) sont les mêmes que celles du groupe décrit ci-dessus mais les conseils sur la pratique de la respiration et les instructions sur l’accueil des pensées et des émotions sans jugement sont absentes ;

- Groupe crème analgésique placebo. Il était précisé aux participants qu’ils prenaient part à un essai testant une nouvelle formulation d’un topique à base de lidocaïne ayant fait la preuve de son effet antalgique ;

- Groupe contrôle. Ici, les participantsont droit à la diffusion audio d’un ouvrage de 1908 intitulé « The natural history and antiquities of Selborne » pendant 4 fois 20 min.

La douleur était induite par le contact avec une sonde thermique chauffée à 49°C maximum – une température considérée comme très douloureuse – et placée à 4 reprises sur la jambe droite. Les participants ont ensuite coté la douleur en termes de ressenti physique (intensité de la douleur) et émotionnel (son côté désagréable). L’angio-IRM (anatomique et fonctionnelle) a été réalisée avant et après les 4 jours d’intervention pour chacun des 4 groupes. Les 2 groupes « méditation » avaient pour consigne de commencer la pratique de la méditation ou de la continuer après l’application de la chaleur et juste avant l’acquisition des images. Le groupe « contrôle » se voyait juste demander des fermer les yeux dans l’IRM. La « crème placebo » était appliquée après les premiers points de chaleur et avant l’acquisition des images.

Par ailleurs, de nombreuses précautions ont été prises par les chercheurs pour éliminer au maximum les facteurs confondants (stress de l’IRM, etc).

Méditation de pleine conscience : plus efficace sur la douleur

Au final, aucune différence dans l’évaluation de la dimension intensité ou émotionnelle de la douleur n’a été relevée entre les différents groupes avant toute intervention en réponse aux stimuli thermiques. En revanche, après les 4 jours d’intervention, le groupe « méditation de pleine conscience » a fait aussi mieux que tous les autres groupes sur la réduction de la perception de l’intensité de la douleur et du déplaisir liée à la sensation douloureuse.

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