Le captagon ne fait pas le terroriste mais il y contribue

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

18 novembre 2015

Paris, France – Retrouvé dans le corps du tireur tunisien auteur du massacre de Sousse, pris également par l’auteur de l’attentat au musée juif de Bruxelles, la fénéthylline captagon semble le complément indispensable de la Kalachnikov dans la panoplie du terroriste. Rien ne dit encore que les assassins de Paris étaient sous son emprise, mais leur description, par certains témoins comme des machines parfaitement froides et déshumanisées, peut le suggérer.

Interrogé par Medscape France, le Pr Amine Benyamina (Département de psychiatrie et d’addictologie, Hôpitaux Universitaires Paris-Sud) rappelle que « le captagon est une amphétamine, de la même famille que le maxiton. Ces drogues ont été interdites en France à la fin des années 70, après avoir fait des ravages notamment parmi les étudiants ».

Le composé est construit autour d’un noyau amphétaminique auquel sont rajoutés différents radicaux. « On sait, dans une certaine mesure, sélectionner des radicaux pour obtenir des effets plus ou moins excitants ou sédatifs », indique le Pr Benyamina.

S’agissant du captagon, il s’agit d’une molécule qui « excite les sens, limite la fatigue, inhibe le stress ». Il ne s’agit cependant en aucun cas d’une molécule « que l’on donne pour aller faire la guerre », comme on a pu le lire ici ou là. Des molécules analogues se retrouvent d’ailleurs aussi bien dans certaines soirées parisiennes.

« Le captagon n’est d’ailleurs pas la seule molécule envisageable pour accomplir des actes terroristes. On peut aussi parfaitement prendre des benzodiazépines ».

« La molécule sera la touche finale », résume le Pr Benyamina, et le gros du problème reste « le travail de sape de longue haleine entrepris par des recruteurs sur une jeunesse caractérisée par une volonté de s’éprouver et un faible évitement du danger ». A quoi s’ajoutent bien sûr « des dispositions personnelles et une adhésion idéologique, car sur la vaste population touchée par le net et les prédicateurs, il n’y a certainement que très peu de candidats ».

La substance, quelle qu’elle soit, présente cependant un potentiel intérêt non négligeable en contexte terroriste. Outre ses effets biologiques intrinsèques, elle fait lien avec l’histoire de la secte des assassins, qui, au Proche et au Moyen-Orient, ont commis tout au long du moyen-âge moult crimes sous l’emprise du haschich. Et « ce n’est pas uniquement de la romance », note le Pr Benyamina.

Quelques siècles plus tard, les drogues de synthèse sont celles dont la fabrication et le trafic se sont le plus développés ces dernières années. La perméabilité entre ce trafic et celui des armes est bien connue. L’archaïsme radical profite lui aussi des avancées sur le système nerveux central.

 

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