Baltimore, Etats-Unis – Dans un article, des experts de Baltimore (Johns Hopkins Medicine) alertent sur les conditions de séjour à l’hôpital, et principalement sur la (mauvaise) qualité de l’alimentation et de sommeil, susceptibles d’aggraver sérieusement l’état de santé des patients [1]. Ils mettent en garde sur le fait que la technicité de la médecine ne doit pas prendre le pas sur le respect des besoins fondamentaux des patients – manger et dormir – et donnent des conseils simples comme de ne pas imposer des jeûnes interminables – pas toujours nécessaires – et faire en sorte que le patient puisse se reposer sans être dérangé par le bruit, la lumière ou des interventions impromptues.
Sans manger pendant 6 jours
Soumise à un niveau égal de dénutrition et de privation de sommeil, une personne en bonne santé va voir son système immunitaire s’affaiblir, une grande fatigue s’installer et son jugement s’altérer en l’espace de 24 heures, écrivent les auteurs [2]. On imagine donc facilement « qu’obliger les patients, en particulier les plus âgés qui sont déjà dans un état de fragilité, à jeûner pendant 8 à 12 heures, ou même pendant des jours avant chirurgie – qui en elle-même impacte fortement la physiologie – , va juste amplifier encore plus le stress exercé sur le corps », considère le Pr Martin Makary, chirurgien à l’hôpital Johns Hopkins et co-auteur de l’article [2].
Pour bien faire comprendre leur point de vue, les chercheurs ont rapporté le cas d’une femme de 65 ans qui arrive au service des urgences avec une pneumonie. Mal en point, elle n’a pas mangé ni bu depuis quelques jours. Dans le doute sur les examens qui vont lui être prescrit, il est décidé de la laisser jeûner. Elle attend donc dans une pièce bruyante et se retrouve à partager une chambre avec un autre patient ; une chambre où elle va rester encore toute une journée parce que les urgences sont bondées. Au bout de 12 heures, la femme est reçue par un interne de pneumologie, qui la laisse à jeun jusqu’à ce qu’elle soit vue par le chef de service. Au deuxième jour d’hôpital, le médecin décide de pratiquer une bronchoscopie. La patiente est placée sur liste d’attente et reste sans manger avant l’examen – qu’elle passe le jour suivant en étant la dernière. Ce n’est que le lendemain après-midi, qu’elle se voit proposer, – pour la première fois en 6 jours si l’on compte les 3 jours sans manger avant d’arriver aux urgences - un repas à base de…soupe et de dessert gélifié (type jell-O). Les plateaux repas s’étoffent progressivement et la patiente est finalement autorisée à quitter l’hôpital. Quatre jours s’écoulent avant qu’elle ne soit ré-hospitalisée pour les mêmes symptômes. Prise en charge à nouveau, elle est libérée deux jours plus tard dans un état de faiblesse et de fragilité avancée. Interrogée sur son séjour via un questionnaire de satisfaction, elle dira être peu satisfaite de son expérience.
Le syndrome post-hôpital
Ce scénario est visiblement assez typique d’une certaine situation américaine, ré-hospitalisations comprises. Une des explications avancée est que les mauvaises conditions de séjour retarderaient la guérison en aggravant l’état de santé des patients – indépendamment des soins donnés. Une situation à laquelle Detsky et Krumholz ont donné un nom, « le syndrome post-hôpital » (voir notre video), et qui se manifeste par des ré-hospitalisations en masse [3]. En cause, la perturbation du sommeil qui s’est aggravée au cours des dernières années en raison d’hôpitaux surchargés à l’activité toujours plus intense sans que les moyens suivent, mais aussi du vieillissement de la population. S’y ajoute une technicité grandissante néfaste à la communication entre les soignants, augmentant le temps de prise en charge et donc les temps de jeûne et de séjour dans des halls des couloirs ou des salles d’attente sans d’intimité et dans un environnement bruyant.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. A l’hôpital, privation de sommeil et malnutrition aggravent l’état de santé - Medscape - 24 nov 2015.
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