Barcelone, Espagne -- « Les migrants vivant en Europe, provenant de pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire et qui sont infectés par le VIH débutent leur traitement antirétroviral plus tardivement ou lorsque leur taux de CD4 est plus bas que les personnes non immigrées, selon les résultats de l’étude aMASE (Advancing Migrant Access to Health Service in Europe) », a expliqué le Dr Julia del Amo à l’occasion de la 15ème conférence européenne sur le SIDA qui s’est tenue à Barcelone.
Une proportion importante des personnes infectées par le VIH vivant en Europe est constituée de migrants : « 57 % des 29 000 diagnostics de nouveaux cas d’infection par le VIH en 2013 en Europe concernent des personnes qui ne sont pas nées dans le pays où elle vivent », continue le Dr del Amo. Les résultats de cette étude tendent à prouver que leur risque de développer des pathologies en lien avec le Sida est majoré par rapports aux natifs concernés par l’infection.
Un statut VIH acquis en Europe
Le Dr del Amo a présenté les résultats préliminaires de l’étude aMASE qui a inclus un total de 2 249 migrants vivants dans 9 pays d’Europe : Belgique, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suisse, et Royaume-Uni.
L’analyse préliminaire a porté sur 1 784 répondants : 33 % étaient nés en Afrique sub-saharienne, 32 % en Amérique latine ou aux Caraïbes, 5 % en Asie, 4 % en Amérique du nord, 26 % dans un pays d’Europe qu’ils n’habitaient plus (dont 11 % en provenance d’Europe de l’Est, 10 % d’Europe centrale et 5 % d’Europe de l’ouest).
L’étude aMASE a montré que la plupart des répondants ont acquis le VIH dans le pays où ils vivent et non dans leur pays d’origine.
Un programme limité pour les migrants en situation irrégulière
Depuis 2014, il existe un programme européen d’accès au traitement antirétroviral pour les migrants. En pratique, cette directive de traitement n’est pas encore appliquée dans sa globalité en Finlande, Italie et Lituanie.
Pour les migrants sans papiers, seuls 15 des 27 états ont mis en place une politique d’accès systématique aux soins. « Dans ces pays, les migrants peuvent se faire dépister dans des cliniques, mais le traitement ne leur est délivré que s’ils produisent les documents prouvant qu’ils sont en situation régulière. De fait, nombre d’entre eux ne consultent pas en raison de leur absence de titre de séjour », a expliqué le Dr del Amo à Medscape Medical News.
« C’est un désastre en terme de santé publique. Pourquoi tester si l’on ne traite pas par la suite ? » . L’épidémiologiste espagnole ajoute que « ne pas traiter les migrants va à l’encontre des objectifs d’élimination du VIH ».
L’Espagne a suspendu la dispensation de traitement antirétroviral aux migrants sans papiers en 2012. Mais la communauté médicale et les ONG se sont mobilisés permettant la reprise de la délivrance du traitement pour tous. « Néanmoins, l’implantation de la thérapie antirétrovirale n’est pas la même dans les 17 régions autonomes du pays », ajoute le Dr del Amo.
« Des médecins en Espagne et dans d’autres pays m’expliquent qu’ils parviennent à fournir le traitement en dépit du système. Mais passer au travers de la législation, c’est faire fausse route. Il faut changer les textes ».
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Un accès aux soins inégal en Europe pour les sans-papiers VIH - Medscape - 19 nov 2015.
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