Auxerre, France -- ACTUALISATION Vous avez en consultation un enfant que les parents refusent de vacciner ? Serez-vous responsable en cas de maladie théoriquement couverte par les vaccinations obligatoires? Hier, un couple a été condamné à 2 mois de prison avec sursis pour avoir refusé de faire vacciner leurs deux enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Initialement poursuivis pour « soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé (…) de son enfant », un délit puni jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, les faits avaient été requalifiés en « refus de se soumettre à l’obligation vaccinale ». Une infraction relevant du code de la santé publique, qui prévoit une peine maximum de six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Aujourd’hui du côté du médecin, constituent une faute : une prescription fautive du vaccin, un manquement à une obligation technique, une maladresse ou une négligence. Mais, concernant le refus de vaccination, la législation ne donne pas de réponse établie: le médecin peut respecter le libre choix des parents ou s’opposer au refus de soins émis par les adultes ayant l’autorité parentale en vertu de l’article L.1111-4, 6è alinéa du Code de Santé publique. En pratique, établir et faire signer un certificat de refus indiquant que le médecin a donné une information éclairée sur la vaccination, inscrire ce refus dans le carnet de santé, et garder un double dans le dossier médical semblent des mesures de bon sens. |
Aurora, Etats-Unis/ 16 novembre 2015 — Aujourd’hui, les médecins rencontrent de plus en plus de parents qui s’opposent à la vaccination de leur enfant. Or, selon une étude publiée dans la revue Pediatrics, près de 20% des pédiatres américains refusent souvent, voire systématiquement, de revoir ces familles en consultation [1]. Une attitude controversée, contraire aux recommandations de l’American Academy of Pediatrics (AAP) et des Centers for Disease Control (CDC).
Peut-on s’attendre au même type de comportement en France ? Medscape France a interrogé le Dr Jean Stagnara (pédiatre libéral à Lyon et Vice-Président de la Société Française de Pédiatrie) et le Pr Christophe Delacourt (Service de Pneumologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malade, Paris ; Secrétaire général de la SFP).
Les pédiatres américains baissent les bras
L’enquête du Dr Sean O'Leary et coll. (Service de pédiatrie, Université du Colorado Anschutz, Aurora, Etats-Unis) a été menée par internet auprès d’un échantillon représentatif de pédiatres et de médecins de famille exerçant aux Etats-Unis entre juin et octobre 2012.
Le taux de réponse aux questionnaires a été de 66% (534/815).
Globalement, il ressort de l’analyse des données que 21% des pédiatres arrêtent « souvent ou définitivement » de recevoir les familles qui refusent un ou plusieurs vaccins contre 4%, seulement, des médecins généralistes.
Les auteurs expliquent cette différence par le fait que la vaccination des enfants est le cœur de métier des pédiatres et qu’ils sont donc plus souvent confrontés à ces refus. Toutefois, ils notent également que cette différence peut être « le reflet de philosophies différentes entre spécialités. »
Sur un mois typique, la majorité des pédiatres (83 %) évalue le taux de refus des familles à plus de 1 % mais ce taux s’élève à plus de 5% pour 20% d’entre-eux.
Les chercheurs indiquent que les pédiatres qui ne reçoivent plus les familles travaillent plus souvent dans le privé (RR=4,90, IC 95% : 1,40-17,19], dans le Sud des Etats-Unis (RR=4,07, IC 95% : 1,08-15,31] et résident dans un état qui n’autorise pas les exemptions à la vaccination pour croyances personnelles (RR=3,7, IC 95% 1,74-7,85).
La majorité des pédiatres (64%) précisent qu’ils demandent « systématiquement ou souvent » aux parents de signer un formulaire de « refus de vaccination » émanant de l’AAP indiquant qu’ils refusent la vaccination et que cette décision comporte des risques. Seulement 29% des médecins généralistes font de même, probablement parce qu’ils ne sont pas contraints à des recommandations aussi strictes que leurs confrères (p<0,001).
Sans surprise, les pédiatres exerçant dans des états sans possibilité d’exemption pour raisons non-médicales ou avec des procédures plus contraignantes pour obtenir ces dérogations rapportent plus souvent « qu’aucun parent n’a refusé la vaccination au cours d’un mois typique » vs les états les autorisant (17% vs 8%, p=0,03). Cette différence n’est pas observée chez les médecins généralistes.
« Puisque de nombreux pédiatres refusent des rendez-vous à ces familles en dépit des recommandations, cette pratique devrait être mieux étudiée et comprise en termes de causes et de conséquences attendues et inattendues » concluent les auteurs.
Les pédiatres français continuent à se battre
Interrogés sur l’importance de ces refus parentaux en France, le Dr Jean Stagnara et le Pr Christophe Delacourt indiquent qu’ils restent minoritaires même s’ils ont tendance à augmenter.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Refus de vaccination : quelles conséquences pour vous et pour les parents ? - Medscape - 8 janv 2016.
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