Quand le cancer de la prostate emprunte ses traitements au cancer de l’ovaire

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

6 novembre 2015

Sutton, Royaume-Unis – Un essai de phase 2, mené chez cinquante patients, suggère que l’olaparib (Lynparza®, AstraZeneca), inhibiteur de la PARP indiqué dans le cancer de l’ovaire avec mutation BRCA 1/2, est efficace chez une grande majorité de patients (88%) atteints de cancer de la prostate, résistants aux traitements de première ligne, et porteurs de mutations dans les gènes de réparation de l’ADN. Dans la course que mènent actuellement les cliniciens pour essayer des nouvelles molécules chez des patients en échec thérapeutique, cet essai, dit TOPARP-A (Trial of PARP Inhibition in Prostate Cancer) a les faveurs d’un New England Journal of Medicine [1].

« Les résultats de cet essai clinique suggèrent qu’une stratification moléculaire peut caractériser un sous-groupe de cancers de la prostate métastatiques relevant du traitement. Ce sous-groupe représente 25 à 30% de l’ensemble des cancers de la prostate sporadiques, résistants à la castration », concluent les auteurs.

Le choix du cancer de la prostate n’est pas un hasard

« Dans cette cohorte, les preuves d’une activité antitumorale de l’olaparib comportaient une chute du PSA et du taux de cellules tumorales circulantes, des réponses radiologiques au CT-scan, et des régressions des atteintes osseuses sur des IRM corps entiers », poursuivent-ils. « Les réponses au traitement duraient généralement plus de 6 mois […]. Toutefois, nous n’avons pu déterminer si l’olaparib améliore la survie globale des patients atteints de cancer métastatique de la prostate, résistant à la castration et présentant des défauts de la réparation de l’ADN ».

Inhibiteur de la PARP : le concept de « synthetic lethality »
Les inhibiteurs de la PARP (poly-ADP-ribose-polymérase-1) agissent sur le système de réparation de l’ADN en synergie avec la perte de la fonction de BRCA par les cellules tumorales, provoquant une importante instabilité génétique qui amène à la mort de la cellule. Le bénéfice clinique des inhibiteurs de la PARP est démontré pour les cancers du sein et de l’ovaire chez les patientes porteuses de mutation germinale du gène BRCA.

Les PARP sont des enzymes impliquées dans les mécanismes de réparation de cassures simple brin. Leurs inhibitions provoquent la persistance de ces cassures qui, lors de la phase de réplication, seront transformées en cassures double brin. Dans le cas d’une cellule normale, la réparation s’effectuera par le mécanisme spécifique HR et restera sans conséquence. Mais en cas de déficit en BRCA, les mécanismes alternes seront impliqués avec pour conséquence une telle augmentation des anomalies génomiques que la cellule ne sera plus viable. Ce synergisme est appelé synthetic lethality.
Elargissement d’indication d’un traitement ciblé : une question d’actualité
L’utilisation de traitements ciblés dans des localisations tumorales où ils n’ont pas l’AMM, mais vis à vis de tumeurs portant les mutations suggérant leur activité, figure en tête des préoccupations de la cancérologie clinique aujourd’hui.

La porte est étroite. Dernièrement l’essai SHIVA , piloté par l’Institut Curie, n’a pas montré de bénéfice d’une stratégie d’extension très large. Toutefois, cet essai lancé en 2012, portait sur pas moins de 11 thérapies ciblées, administrées selon les algorithmes de l’époque. On peut peut-être faire plus ciblé, justement.

Le programme AcSé (Accès Sécurisé à des thérapies ciblées innovantes), lancé avec le crizotinib, lui, se poursuit. Démarré en 2013 à l’initiative de l’INCa, ce programme vise à donner un accès à la fois sécurisé et facilité à l’innovation, tout en générant de la connaissance. Les premiers résultats rapportés au congrès européen sur le cancer ECC 2015, montrent que le crizotinib, indiqué dans le cancer du poumon avec translocation ALK, est très vraisemblablement inutile dans le cancer du côlon, mais pourrait avoir une efficacité dans certains lymphomes, et dans des cancers rares.

Le programme s’est par ailleurs ouvert au vémurafénib, et pourrait s’étendre à d’autres pays européens.

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