Paris, France – Non répertorié dans les classifications actuelles et mal défini, le burn-out ou épuisement professionnel, nécessite, dans sa forme sévère, un traitement lourd. Parfois aboutissement ultime d’une addiction au travail (voir notre article) , « ses signes précurseurs doivent être repérés et tous les efforts doivent portés sur la prévention primaire et secondaire » a affirmé le psychiatre Patrick Légeron (Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris) lors des Entretiens de Bichat 2015.
Trois composantes fondamentales
« A tous autres facteurs égaux, le travail protège la santé mentale plus qu’il ne l’altère, a tenu à rappeler le Dr Légeron en introduction. En revanche, il est vrai qu’il y a des environnements de travail extrêmement délétères. »
Le burn out désigne un état psychologique, émotionnel et physiologique résultant de l’accumulation de stresseurs professionnels variés aussi appelés risques psychosociaux (charge de travail, manque d’autonomie, de reconnaissance, de sens, faible soutien social, etc), auxquels viennent s’ajouter des facteurs personnels (surinvestissement, addiction au travail). Décrit depuis longtemps dans la littérature (voir encadré), il a été particulièrement étudié en milieu professionnel depuis ces 30 dernières années – mais peut aussi se rencontrer dans d’autres contextes comme celui des femmes au foyer.
« Contrairement à une réaction banale de stress qui va être ponctuelle et immédiate, le burn out trouve ses racines dans le temps, c’est-à-dire qu’il se manifeste en réponse à une quantité de stresseurs qui se répètent continuellement et s’inscrivent ainsi dans la durée. Il est donc plus juste de voir le burn out comme une sorte d’aboutissement, de conséquence de réactions de stress quotidiens qui finissent par user et épuiser l’individu » explique le Dr Légeron.
Le burn out dans la littérature : une histoire ancienne Si le concept a été popularisé récemment, on retrouve loin dans le temps des descriptions de sa symptomatologie. Patrick Légeron voit ainsi dans la description de « la grande fatigue » du prophète Elie dans l’ancien testament une manifestation de burn out, et précise que le terme même est utilisé par Shakespeare à la fin du 16ème siècle. Le personnage de Thomas Bruddenbrook dans un des célèbres ouvrages de Thomas Mann serait aussi, selon le psychiatre, un cas typique de burn out. |
Le phénomène de burn out comprend trois dimensions fondamentales (établies par la psychologue Christina Maslach en 1982). Tout d’abord, un épuisement physique et mental. Trop engagé dans ses activités professionnelles, l’individu épuise peu à peu son « capital » énergie et doit donc puiser constamment dans ses ressources personnelles, jusqu’à se sentir « vidé », « au bout du rouleau ». Cette composante d’épuisement complet représente la dimension « stress » du burn out. Le deuxième stade se traduit par un état de dépersonnalisation (ou plutôt de déshumanisation) caractérisé par une attitude détachée de la part de l’individu envers les personnes avec qui il interagit dans son milieu professionnel qui finissent par être traités tels des objets. Le troisième est la perte du sentiment de réalisation de soi. A ce stade, la personne porte un regard négatif et dévalorisant sur la plupart de ses réalisations et accomplissements personnels et professionnels, attitude associée à des états dépressifs importants.
Signes précurseurs de l’hyperstress
Avant d’en arriver à ce stade constitué de burn out, on note un certain nombre de signes précurseurs de l’hyperstress à repérer dans le cas d’une démarche préventive. Néanmoins la symptomatologie du burn out n’est pas claire. Certains auteurs pensent que le seul épuisement pose le diagnostic, d’autres estiment que l’on peut retrouver d’autres signaux, ceux-ci pouvant être :
- d’ordre émotionnel (hypersensibilité, sentiment de vide, d’impuissance, perte de confiance en soi, irritabilité…)
- d’ordre cognitif (difficulté de concentration, altération du raisonnement…)
- d’ordre physique (fatigue généralisée, maux de tête, de dos, tensions musculaires, troubles du sommeil, variation de poids…)
- interpersonnel et comportemental (repli sur soi, isolement, agressivité, impulsivité, baisse de l’empathie, conduites addictives…)
- motivationnel (distance envers le travail des autres, baisse de la productivité...)
L’échelle d’évaluation du niveau d’épuisement professionnel mise au point par Christina Maslach, le « Maaslach burnout inventory » (MBI) est l’outil mondial de référence de mesure du burn out. |
Le burn out fait aussi intervenir des caractéristiques propres à l’individu, liée principalement à un surinvestissement professionnel, lequel commence généralement par un enthousiasme – souvent souhaité et bien vu par l’entreprise – qui peut se transformer en véritable addiction au travail (« workaholisme »), s’accompagnant de désillusion et de remise en question de soi.
Citer cet article: Burn out : mieux vaut prévenir que guérir, conseille le psychiatre Patrick Légeron - Medscape - 29 oct 2015.
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