Dépression majeure : la réponse à un placebo prédit la réponse aux antidépresseurs

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

2 novembre 2015

Ann Arbour, Etats-Unis – Des chercheurs américains (University of Michigan Medical School) démontrent pour la première fois, imagerie à l’appui, que lorsqu’ il s’agit de traiter la dépression, la réponse à un traitement placebo est prédictive de la façon dont un patient va ensuite répondre à un traitement antidépresseur. Leurs travaux publiés dans JAMA psychiatry révèlent en effet qu’un patient capable de mobiliser, sous l’effet d’un placebo, certains circuits neuronaux - entrainant notamment une libération d’opioïdes endogènes - sera plus sensible à l’action des antidépresseurs chimiques dans sa lutte contre la dépression [1].

« C’est un travail très intéressant qui élargit le champ des mécanismes de lutte contre la dépression aux opioïdes, en plus des habituels neurotransmetteurs, sérotonine, noradrénaline, dopamine… » a commenté, pour Medscape, le Dr Patrick Lemoine, (psychiatre et auteur de l’ouvrage « Mystère du placebo, ed. Odile Jacob).

Aider au développement de nouveaux antidépresseurs

Cette découverte ouvre non seulement la voie à de nouvelles recherches sur de nouvelles façons d’amplifier la réponse intrinsèque du cerveau et d’améliorer le traitement de la dépression qui touche 350 millions de personnes dans le monde. Mais elle pourrait aussi aider à différencier les effets du placebo de ceux propres aux molécules chimiques dans le développement de nouveaux antidépresseurs.

Si 40 % des personnes peuvent guérir d’une maladie chronique sans traitement, alors il m’importe de savoir comment -- Dr Jon-Kar Zubieta

Il est, en effet, fréquent de retrouver des taux élevés de réponse dans les groupes placebo lors d’essais cliniques, particulièrement quand il s’agit de pathologies psychiatriques. Dans les essais testant des antidépresseurs, il n’est pas rare d’obtenir des valeurs avoisinants les 30 à 45% dans le groupe prenant le « faux » médicament contre environ 50% dans le groupe antidépresseur. Cette difficulté à séparer les effets propres à l’un et à l’autre a, selon les auteurs, impacté négativement la recherche clinique en psychiatrie allant jusqu’à entraver la mise au point de nouveaux traitements, faute d’être capable d’évaluer l’efficacité propre à la molécule chimique.

Un protocole en deux phases : un placebo suivi d’un antidépresseur reconnu

« Si 40 % des personnes peuvent guérir d’une maladie chronique sans traitement, alors il m’importe de savoir comment » a déclaré le Dr Jon-Kar Zubieta (Department of Psychiatry, University of Utah) [2]. C’est donc pour essayer d’y voir plus clair dans les mécanismes neurobiochimiques intervenant dans l’effet placebo au cours de la dépression sévère que ce chercheur et son équipe ont recruté via une annonce 35 patients (dont 23 femmes), tous droitiers et âgés de 19 à 59 ans, avec un diagnostic de trouble dépressif majeur basé sur la définition du DSM-5, mais naïfs de traitement antidépresseur.

L’étude a comporté deux phases : pendant 2 semaines, les participants recevaient un placebo. Puis, ils se voyaient prescrire un antidépresseur à dose flexible pendant 10 semaines.

Plus précisément, pendant la première phase, les patients étaient randomisés pour recevoir :

- Soit un traitement placebo (accompagné de la promesse d’un effet antidépresseur d’action rapide) d’une 1 semaine comprenant 2 comprimés par jour ;

- Soit un traitement placebo d’une semaine, où il était précisé aux patients qu’il s’agissait d’une molécule inactive.

Les patients étaient ensuite soumis à 3 jours sans traitement (wash-out).

Puis les patients se voyaient attribuer le traitement placebo qu’ils n’avaient pas eu la semaine précédente (cross-over), c’est-à-dire « inactif » chez ceux à qui on avait prédit une « molécule agissant rapidement », et supposément « active » à ceux qui s’étaient vus prescrire un contrôle « inactif ».

A la fin de chacune des semaines de traitement, les patients ont passé un PET-scan précédé, chez les patients du groupe recevant le placebo « actif », d’une injection IV de solution saline présentée comme l’administration d’un traitement « actif » afin de renforcer l’effet placebo. L’utilisation de l’imagerie cérébrale avait ici pour but de « suivre » la neurotransmission médiée par les récepteurs opioïdes µ, potentiels candidats mécanistiques de l’effet placebo dans le trouble dépressif majeur. Les récepteurs µ jouent un rôle important dans le système de régulation des émotions, du stress, de la récompense sociale et de l’analgésie (médiée par un placebo).

Les symptômes de la dépression ont quant à eux été évalués en utilisant l’échelle à 16 items (Quick Inventory of Depressive Symptomatology-Self-Report, QIDS-SR16) avant et après chaque traitement placebo.

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