Gérer le stress et prévenir le burnout des soignants avec la pleine conscience : un nouveau DU

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

14 octobre 2015

Medscape : Pourquoi la méditation de pleine conscience ? Comment y êtes-vous arrivée ?

Corinne Isnard Bagnis : C’est au départ une démarche personnelle, car le pré-requis pour enseigner la méditation de pleine conscience – contrairement à d’autres techniques comme l’hypnose par exemple –, c’est d’avoir soi-même une pratique; il ne s’agit pas juste de la transmission d’un savoir. J’étais attirée depuis longtemps par la méditation, mais ce qui m’a plu dans celle enseignée dans le programme de Jon Kabat-Zinn (voir encadré), c’est qu’il s’agit d’une forme de méditation totalement laïque, dénuée de références spirituelles ou religieuses. Sachant que ce programme a été créé au départ pour une application clinique dans la maladie chronique, ça m’a tout de suite parlé. Quand, par la suite, j’ai observé ce que cela changeait sur ma propre personne, je me suis dit « mes patients vont en avoir besoin ». Et ce d’autant que je travaille en néphrologie, une spécialité où les patients atteints de pathologie chronique, surtout ceux qui sont en dialyse, ont une mauvaise qualité de vie et je me demandais comment faire pour l’améliorer.

Pr Jon Kabat-Zinn : pionnier de l’application de la méditation de pleine conscience en médecine
Aux Etats-Unis, le Pr Jon Kabat-Zinn, un médecin biologiste, est le premier dans les années 1980 à mettre au point une méthode de réduction du stress basée sur la pleine conscience laïque (inspirée du bouddhisme). Au vu des résultats obtenus, il décide de développer et d’approfondir son expérimentation. Il crée ainsi la première clinique du stress et le programme du MBSR (Mindfulness Based Stress Réduction), un cours de huit semaines qui combine la méditation et le hatha yoga pour aider les patients à faire face au stress, à la douleur, et à la maladie en utilisant la conscience de l'instant présent instant après instant...

De son côté, le psychiatre canadien, Zindel Segal, intrique la mindfulness et les thérapies cognitives et comportementales, de façon à créer la MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy) pour les patients souffrant de rechute dépressive.

Les années 1990 voient les études scientifiques se multiplier quant à l’ « utilisation » des thérapies de pleine conscience dans différentes pathologies et l’imagerie médicale apporte la confirmation neurophysiologique de leurs bienfaits.

Au cours des années 2000, la pleine conscience arrive en Europe. En France, le psychiatre Christophe André en devient le principal instigateur, et introduit, dès 2004, la méditation à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris. Aujourd’hui, d’autres services hospitaliers proposent cette pratique comme celui du Pr Frédéric Rosenfeld au CHU de Lyon, du Dr Dominique Servant au CHRU de Lille, le centre anti cancéreux René-Huguenin à Saint-Cloud, ainsi que certaines unités spécialisées dans la lutte antidouleur.

Pourquoi avoir voulu en faire bénéficier vos patients ?

Corinne Isnard Bagnis : J’ai toujours été fortement impliquée dans l’éducation thérapeutique, en travaillant notamment depuis 10 ans avec Catherine Tourette-Turgis, maître de Conférences en Sciences de l’Éducation à l’UPMC et spécialiste d’Éducation Thérapeutique [2]. Nous avons souhaité donner une dimension universitaire à l’éducation thérapeutique en créant un DU à Paris 6 qui lui soit consacré et avons été les premiers à valider les acquis de l’expérience du vécu de la maladie chronique et à diplômer des patients-experts. Mais je me faisais de plus en plus la réflexion que l’éducation thérapeutique apprenait à savoir-faire plutôt qu’à savoir-être, et que connaître sa maladie ne permettait pas de prendre en charge la souffrance morale, de gérer le stress…Il est alors devenu évident que cet aspect des choses devait être intégré au programme d’éducation thérapeutique des patients. C’est alors qu’il y a 4 ans, j’ai démarré des stages dans le service [de néphrologie à la Pitié-Salpêtrière] intégrant la méditation pleine conscience avec une petite dizaine de patients. Ça m’a permis de faire entrer le concept à l’hôpital, ce qui n’a pas été une mince affaire car il y a des freins, ça fait peur…

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