Paris, France-- Pour faire avancer la recherche, l’industrie pharmaceutique a régulièrement recours aux services et conseils d’experts reconnus, prisés et généralement actifs dans la sphère hospitalo-universitaire… moyennant souvent, des rétributions généreuses. D’où une impression de « mélange des genres » qui est dénoncé une nouvelle fois par l’ancien doyen de la faculté de Necker, le Pr Philippe Even dans son dernier ouvrage « Corruptions et crédulité en médecine » publié aux Editions du Cherche Midi.
Cardiologues parisiens injuriés
Rien de très nouveau sous le soleil comparativement au précédent ouvrage du pneumologue ( Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux) sauf le ton et la violence des propos puisqu’après avoir procédé à un classement nominatif de ses confrères cardiologues universitaires parisiens selon un indice, calculé à sa manière, de « niveau d’influence », il n’hésite pas à qualifier les gagnants du palmarès de « putains académiques ».
Pour ce qui est des médicaments, le Pr Even attaque une nouvelle fois le bien-fondé de la prescription de statines mais aussi celle des nouveaux anticoagulants oraux directs (AOD).
Cette violente charge contre la mainmise des laboratoires pharmaceutiques sur les médecins experts hospitaliers (les Key opinion leaders ou KOL dans le jargon des laboratoires) n’a pas convaincu, bien au contraire. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce procès à charge des médecins qui participent à des travaux de recherche de l’industrie.
Quant aux cardiologues parisiens injuriés, quatre sur six d’entre eux devraient poursuivre le Pr Even au pénal.
Il nous a paru important, à la rédaction de Medscape France, de rendre compte, « à froid », de l’ensemble des réactions des institutions, sociétés savantes et des confrères sur ce livre. Mais aussi de reposer le problème de la transparence et des quasi incontournables liens d’intérêt des médecins experts avec les firmes.
Des propos violents suscitant l’émotion
Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), « ces propos constituent un manquement aux règles déontologiques qui s'appliquent à tous les médecins inscrits au tableau, quels que soient leurs titres et responsabilités ».
La Société française de cardiologie (SFC) considère que ces « propos délirants, infondés et contradictoires constituent autant d’anathème et procès haineux ». Elle ajoute : « Il serait désastreux pour les patients français que ceux-ci interrompent leur traitement sur la base des affabulations d’une personne retirée de l’activité médicale depuis 20 ans, et énoncées sans arguments recevables ni compétence scientifique spécifique dans le domaine ».
Précisons que comme dans son précédent ouvrage, le Pr Even livre une nouvelle fois son point de vue critique sur les statines et autres hypocholestérolémiants.
Le LEEM (Les industries du médicament) regrette qu’« au lieu d'ouvrir un débat avec l'ensemble des parties prenantes, Philippe Even écrase de son mépris la grande majorité des scientifiques, des experts et des responsables publics qui s’efforcent d’accomplir leurs missions dans un esprit de responsabilité. »
Citer cet article: Stéphane Le Masson. Transparence et règlement de compte : le Pr Even est allé trop loin - Medscape - 1er oct 2015.
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