« Ce point de vue est partagé par la United States Preventive Services Task Force (USPSTF) suite à sa récente méta-analyse [5]. Ses recommandations de 2013 ne recommandent plus la supplémentation calcique, même chez les femmes ménopausées, sauf en cas d’institutionnalisation. La supplémentation calcique seule pourrait même augmenter le risque de fractures de hanche, le type de fracture ostéoporotique le plus dévastateur », note le Pr Michaëlsson.
L’éditorialiste ajoute que les incitations à augmenter toujours plus les apports en calcium et en vitamine D par certaines organisations comme la National Osteoporosis Foundation aux Etats-Unis (NOF) sont « déconcertantes ».
Il souligne que la rentabilité de l’industrie des compléments alimentaires n’est probablement pas étrangère au problème et ajoute que les recherches et les recommandations peuvent être influencées par les conflits d’intérêts.
Il note aussi qu’une étude comme celle de Chapuy et coll. a été utilisée pour promouvoir la supplémentation vitamino-calcique à des fins de marketing, bien au-delà de la population ciblée par les chercheurs.
Reconsidérer les recommandations controversées
Selon les recommandations de la NOF et de l’International Osteoporosis Foundation (IOF), virtuellement toutes les personnes manquent de calcium au-delà de 50 ans. Pourtant, selon Bolland et coll., la plupart ne bénéficieront pas des apports calciques ciblant les 1000 à 1200 mg par jour généralement recommandés. En outre, ces individus seront exposés à un risque accru d’effets secondaires aux rangs desquels, la constipation, les événements cardiovasculaires , les calculs rénaux, où les hospitalisations pour symptômes gastro-intestinaux aigus.
La situation française
En France, les recommandations de la Haute Autorité de Santé sur l’ostéoporose datent de 2006 [6]. Elles ne recommandent pas l’association de vitamine D et de calcium comme traitement préventif des fractures mais précisent qu’un traitement anti-ostéoporotique « ne sera prescrit qu’après avoir corrigé une éventuelle carence en calcium et/ou en vitamine D (chez les sujets les plus âgés notamment), par ajustement des apports alimentaires et/ou supplémentation médicamenteuse ».
En parallèle, la réactualisation des recommandations du GRIO (Groupe de Recherche et d’Information sur les Ostéoporoses) de 2012 , indique que « l'efficacité de la supplémentation calcique administrée seule, dans le but de prévenir les fractures ostéoporotiques n'est pas clairement démontrée. » Toutefois, elle conclut en indiquant que « les apports quotidiens optimaux doivent être de 1200 mg chez les femmes ménopausées âgées de plus de 50 ans. » Or, selon l’ Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) , les apports moyens de la population française se situent à 930 mg/j chez les adultes. Une supplémentation calcique ou une augmentation de la consommation d’aliments riches en calcium serait donc nécessaire dans la plupart des cas chez les plus de 50 ans…
En pratique, en France, de nombreuses personnes âgées reçoivent cette supplémentation de façon systématique.
« Les données qui vont à l’encontre de la supplémentation de masse des personnes âgées sont désormais incontestables. Il est temps de reconsidérer les recommandations controversées », conclut Karl Michaëlsson.
Karl Michaëlsson n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. Les auteurs des papiers n’ont pas déclaré de liens d’intérêts excepté Ian R Reid qui a reçu des bourse de recherche et des honoraires de Merck, Amgen,Lilly, and Novartis. |
REFERENCES:
1.Tai V et coll. Calcium intake and bone mineral density: systematic review and meta-analysis. BMJ 2015;351:h4183
2.Bolland JM. Et coll. Calcium intake and risk of fracture: systematic reviewBMJ 2015;351:h4580
3.Michaëlsson K. Calcium supplements do not prevent fractures. Revisit recommendations to increase intake beyond a normal balanced diet. BMJ 2015;351:h4825
4.Kanis JA, Passmore R. Calcium supplementation of the diet-II. BMJ 1989;298:205-8.
5.Moyer VA; US Preventive Services Task Force. Vitamin D and calcium supplementation
to prevent fractures in adults: US Preventive Services Task Force recommendation
statement. Ann Intern Med 2013;158:691-6.
6. Prévention, diagnostic et traitement de l’ostéoporose . HAS Juillet 2006
Citer cet article: Aude Lecrubier. La supplémentation calcique rapporte gros mais… ne prévient pas le risque de fractures - Medscape - 1er oct 2015.
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