L’accès aux espaces verts entre 3-5 ans conditionne l’obésité ultérieure

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

29 septembre 2015

Stockholm, Suède – Obésité et diabète sont aussi la maladie d’un certain urbanisme. En Grande-Bretagne, où la prévalence est forte, et dès le plus jeune âge, on approfondit remarquablement cette question. Au gré des publications, on a ainsi pu voir passer des réflexions d’urbanistes sur, classiquement, l’importance des pistes cyclables, ou d’architectes sur, moins classiquement, le positionnement au second plan des ascenseurs dans les halls d’immeubles, afin que spontanément et sauf exception, ce soit vers l’escalier qu’on s’oriente.

Contribution supplémentaire, soulevant un autre aspect problème : l’étude menée par la London School of Economics and Political Science, avec le soutien de l’Université libre d’Amsterdam (Vrije Universiteit) pour le volet médical. Cette étude a été présentée par le Pr Giel Nijpels (Amsterdam) lors du congrès de l’European Association for the Study of Diabetes 2015 (EASD) [1].

La question posée dans ce travail était celle des espaces verts, et des conséquences de leur fréquentation – ou non – par les enfants à l’âge de 3 à 5 ans, sur leur poids à 7 ans. Le premier paramètre est évidemment l’existence et l’accessibilité d’espaces verts. Mais il a été élargi à un autre paramètre, lui aussi déterminant : la dégradation de l’environnement urbain alentour, et plus exactement, la perception que peuvent en avoir les parents. La distance qui peut séparer un espace vert du domicile, sera évidemment d’autant plus rédhibitoire que le parcours est laid, et éventuellement risqué à effectuer.

Au passage, on remarque le degré de précision qu’on cherche maintenant à atteindre dans la compréhension des aspects sociologiques de l’obésité/diabète, pour tenter de faire gagner à la prévention une efficacité dont elle a bien besoin. La démarche rappelle ce qui s’est mise en place dans les années 1980 vis-à-vis de l’épidémie de VIH/sida quand on n’avait que la prévention à proposer.

Le frein à la fréquentation des espaces verts est éducation-dépendant

L’étude a été mené au sein de la cohorte dite Millenium, qui comporte près de 20 000 enfants nés au Royaume-Uni en 2000-2001. « Cette cohorte comporte une sur-représentation des classes sociales les moins favorisées », a souligné le Pr Nijpels. L’analyse qu’il a présentée porte sur 6467 enfants de cette cohorte.

Le critère était le surpoids ou l’obésité des enfants à l’âge de 7 ans. Vis-à-vis de ce critère, un certain nombre de variables ont été testées. L’éloignement d’un espace vert (par tertiles d’éloignement du domicile) lorsque l’enfant a entre 3 et 5 ans, est bien corrélée au surpoids ou obésité à 7 ans (RR=1,14). Le non accès (versus l’accès) à un jardin au domicile est également un risque (RR=1,35). De même que la perception de l’environnement (graduée en quartiles) comme « très dégradé » (RR=1,22) ou « médiocre » (RR=1,27). Toutes ces associations sont significatives.

 
Le lien entre surpoids et organisation de l’espace urbain est bien une réalité. Ce lien n’est pas le même selon le niveau d’éducation -- Pr Giel Nijpels
 

Dans un second temps, les associations entre ces variables et le surpoids, ont été testées pour leurs interactions éventuelles avec divers déterminants parentaux : consommation alimentaire, activité physique, règles de vie au domicile (par ex : les enfants vont-ils se coucher à heure régulière ?)

Si ces paramètres parentaux sont effectivement associés à l’obésité des enfants à 7 ans, ils ne jouent en revanche aucun rôle dans l’association entre espace urbain et état des enfants à 7 ans.

La question a donc été approfondie, et c’est finalement le niveau d’éducation parental qui est ressorti comme modulateur principal du rapport à l’environnement.

Pour les niveaux d’éducation les plus faibles, les plus forts risques de surpoids à 7 ans sont liés à l’éloignement de l’espace vert à 3-5 ans (RR=1,27) et au non-accès à un jardin (RR=1,38). Alors que pour les classes éduquées, c’est la perception de l’environnement comme très dégradé (RR=1,38) ou médiocre (RR=1,27), qui joue le plus grand rôle.

 
10% des garçons et 9% des filles sont en surpoids à 4-5 ans ; 21% des garçons et 17% des filles à 10-11 ans.
 

« Lorsque l’éducation est faible, l’absence de jardin et un environnement moins vert accroit les chances de devenir obèse ou en surpoids. Aux niveaux d’éducation plus élevés, c’est une perception de l’environnement comme dégradé qui devient facteur de risque », a résumé le Dr Nijpels. Avant de conclure sur deux « messages clés ». Premièrement, le lien entre surpoids et organisation de l’espace urbain est bien une réalité. Deuxièmement, ce lien n’est pas le même selon le niveau d’éducation.

Ces nuances permettront-elles d’améliorer les messages et les actions de prévention ? Il faut l’espérer car les chiffres du National Child Measurement Programme britannique de 2013-2014 sont vertigineux : 10% des garçons et 9% des filles sont en surpoids à 4-5 ans ; 21% des garçons et 17% des filles à 10-11 ans. « Je suis un vieux diabétologue, et je n’ai pas cru ces chiffres lorsque je les ai vus », a commenté le Pr Nijpels.

 

REFERENCE :

  1. Nijpels G. Is access to the outdoors associated with childhood overweight and obesity? Insights into lifestyle and diabetes. Congrès de l’European Association for the Study of diabetes, Stockholm. ( Abstract 187 )

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