Hypercholestérolémies familiales : la lumière au bout du tunnel avec les antiPCSK9 ?

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

22 septembre 2015

Paris, France -- A l’heure où le cholestérol et ses traitements continuent d’agiter les médias français (Livres Even, De Lorgeril, Cash Investigation sur France 2), l’arrivée prochaine de la nouvelle famille thérapeutique des anti-PCSK9,  faisant fortement chuter le cholestérol LDL pourrait changer le pronostic cardiovasculaire des personnes souffrant d’hypercholestérolémies familiales. Une situation loin d’être exceptionnelle puisqu’une personne sur 200 à 250, selon les dernières estimations,  serait concernée en France.   Ces sujets sont porteurs, entre autres, d’une mutation sur le gène PCSK9, dont la découverte française revient à Catherine Boileau (Inserm, Paris).  Mais ce n’est pas la dyslipidémie familiale qui a conduit à la nouvelle voie thérapeutique des anti-PCSK9.   

Un récepteur nécessaire à l’élimination du cholestérol

Cela fait longtemps qu’on s’intéresse au polymorphisme du gène codant pour cette enzyme PCSK9 (proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9) qui dégrade le récepteur au LDL,  ce récepteur étant nécessaire au transport du cholestérol en vue de son élimination. C’est en étudiant des populations à bas risque et à haut risque cardiovasculaire que l’on a constaté l’existence de variants de PCSK9, pouvant conduire à minorer ou à majorer les taux de cholestérol. Le taux de cholestérol LDL circulant est donc bien directement corrélé à la charge athéromateuse au sein des vaisseaux et aux évenements  cliniques.

Pour ces sujets mutés, pas de longs débats sur la pertinence du traitement hypolipémiant : en l’absence de traitement destiné à abaisser les chiffres de LDL, le risque de mort subite avant 40 ans, principalement du fait d’un événement coronarien, est multiplié par 50. Le pronostic est directement fonction de l'âge, du taux de cholestérol LDL et de l’exposition artérielle permanente à un excès de LDL depuis la naissance. Grossièrement, une hypercholestérolémie familiale hétérozygote (forme la plus fréquente) expose les vaisseaux à un taux de cholestérol d’environ 2g/L  dès la naissance, soit le double des valeurs habituelles. Une forme homozygote (1 cas sur 300 000-500 000) à plus de  3g/L et dans ce cas, les manifestations vasculaires athéromateuses apparaissent avant l’âge de 10 ans. On sait, en revanche, qu’un traitement hypolipémiant efficace ramène le risque cardiovasculaire de ces personnes à celui de la population générale ou presque.

Dans un monde idéal donc, tous les sujets atteints d’une forme ou d’une autre d’hypercholestérolémie familiale seraient identifiés et traités efficacement. Dans la vraie vie, on est loin du compte.

Des médicaments très efficaces sur le LDL mais en attente de preuves cliniques

Au plan thérapeutique,  les recommandations de la Société Européenne de cardiologie (ESC) visent un LDL < 100 mg/mL ou <2,5 mmol/L en l’absence de pathologie athéromateuse et  < 70 mg/dl  ou < 1,8 mmol/l en cas de pathologie avérée.

Outre les mesures hygiéno-diététiques, le traitement nécessite toujours une statine combiné à l’ezetimibe et à une résine (Questran) si nécessaire.  Les objectifs sont atteints pour certains patients mais pas tous, à la fois du fait des limites d’efficacité des traitements, de leur tolérance et de leur observance sur le long terme.  Au final, jusqu’à 80% d’entre eux n’atteindraient pas les objectifs lipidiques avec les traitements actuels.

C’est précisément là qu’interviennent les inhibiteurs de PCSK9. Avec ces anticorps monoclonaux injectés en sous-cutanés,  toutes les 2 ou 4 semaines selon les produits et les dosages,  presque tous  les patients atteignent les objectifs lipidiques. On observe en effet des baisses exceptionnelles du cholestérol pour  cette population, de l’ordre de 50% (-48% dans ODYSSEY FH I et  FH II) du LDL . De quoi s’enthousiasmer.  C’est probablement ce qui a motivé les experts de l’EMA et de la FDA à  autoriser  leur mise sur le marché en Europe et aux Etats-Unis, en se basant sur des analyses secondaires et des analyses post-hoc.  D’autant plus que les grands essais randomisés de morbi-mortalité attendus en 2017, 2018 ne portent pas sur la population de sujets avec une dyslipidémie familiale mais sur celle, beaucoup plus large,  des sujets  à haut  risque cardiovasculaire. En effet, les grands essais FOURIER (27 500 patients sur 5 ans) avec  l’evolucumab (Repatha, Amgen), ODYSSEY OUTCOMES (18 000 patients sur 5 ans) avec l’alirocumab (Praluent, Sanofi/Aventis) et SPIRE-1 et 2 (17 000 et 9 000 patients) avec le bococizumab (Pfizer) sont menés dans des populations à haut risque coronaire.

Pour les dyslipidémies familiales, il faudra donc se passer de critère dur.

Avec le changement d’échelle, quid de la tolérance ?

On peut s’interroger sur la tolérance d’un traitement au long cours par anticorps monoclonal. C’est précisément ce que les anti-PCSK9,  donnés à large échelle, devront prouver dans les prochaines années.  La tolérance est pour l’instant très bonne et seulement  1 ou  2 patients ont développé des anticorps neutralisants. Cependant, la FDA surveille de près les effet potentiels cognitifs suite aux observations faites avec les statines. Un taux très bas de LDL peut-il affecter négativement le fonctionnement du cerveau ? Avec les statines, plusieurs études se sont déjà penchées sur la question sans pouvoir conclure.

Aux Etats-Unis, ce n’est pas la question de la tolérance au long cours qui fait débat mais celle du prix. CVS Health, l’un des principaux gestionnaire de régimes d’assurance-santé a déjà annoncé qu’il comptait bien négocier à la baisse le prix exorbitant de ces médicaments en annonçant d’emblée qu’il ne rembourserait pas le premier arrivée sur le marché (Praluent, Sanofi).

Il est vrai que le coût de production d’anticorps monoclonaux est plus élevé que celui de molécules chimiques mais jusqu’à un certain point…

En France, il faudra encore attendre un ou deux ans pour connaître le prix de ces puissants hypocholestérolémiants réservés aux patients à très haut risque.  Au début du mois de septembre, le laboratoire Amgen a d’ores et déjà annoncé que les européens payeraient l'evolocumab (Repatha®) deux fois moins chers que leurs homologues américains (6000 euros versus 12687 euros). Les patients souffrant d’hypercholestérolémie familiale pourront -ils en bénéficier avant dans le cadre d’une ATU ?

Dyslipidémie familiale : faut-il opter pour un dépistage universel ?

Entre 5000 et 10 000 personnes ont reçu un diagnostic de dyslipidémies familiales en France, soit environ 1% seulement des personnes concernées. En l’absence de signe clinique (xanthomes) ou de dépistage familial autour d’un cas index (la maladie étant à transmission autosomique dominante ), seul un dosage précoce  du cholestérol permet d’évoquer le diagnostic (dépistage ciblé), en attendant, peut-être, un jour le dépistage génétique grâce au séquençage d'ADN à haut débit .

Aux Etats-Unis, où le problème croissant de l’obésité chez l’enfant vient se surajouter (28% des enfants en surpoids) un dosage universel du cholestérol est recommandé chez l’enfant depuis 2011 par l’American Academy of Pediatrics : une première fois entre 9 ans et 11 ans puis entre 17 et 21 ans. Entre les deux tranches d’âges, des dosages  sont conseillés pour les enfants avec un facteur de risque familial. Les experts américains ont estimé que, du fait de l’épidémie d’obésité, le dépistage familial ciblé autour d’un événement CV survenu précocement, laissait passer de 30% à 60% d’enfants dyslipidémiques, qu’il s’agisse de dyslipidémies familiales ou pas. 

En France,  un tel dépistage n’est pas encore à l’ordre du jour chez l’enfant mais un dosage du cholestérol à l’occasion d’une prise de sang  pourrait bien, un jour, être proposé, quand on sait que la prévalence du surpoids chez l’enfant approche de 15%.

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