Stockholm, Suède – Dans l’étude EMPA-REG OUTCOME™ le traitement de patients diabétiques et avec un antécédent cardiovasculaire, par empagliflozine (Jardiance®, Boehringer Ingelheim/Eli Lilly), se traduit par des réductions relatives de la mortalité générale et de la mortalité cardiovasculaire de 32% et 38% respectivement. Ce résultat vient de faire l’objet d’une session entière, très applaudie lors congrès de l’European Association for the Study of Diabetes 2015 (EASD) [1]. Il est par ailleurs publié simultanément dans le New England Journal of Medicine [2].
Cette étude fera vraisemblablement date. D’abord parce que c’est simplement la première fois que l’efficacité d’un traitement hypoglycémiant est montrée en termes d’évènements CV. Ensuite parce que les résultats soulèvent de nouvelles perspectives quant aux mécanismes du bénéfice CV (au demeurant, si l’on n’avait rien observé jusqu’à présent, peut-être est-ce que l’on n’avait pas regardé au bon endroit).
D’une baisse de l’HbA1c, on attendait un effet sur l’athérosclérose : le critère primaire d’EMPA-REG associe d’ailleurs la mortalité générale et la mortalité CV, les infarctus du myocarde et les AVC non fatals. Or, là où une baisse de mortalité CV est observée, les IDM et les AVC, en revanche, ne bougent pas. L’hypothèse est donc celle d’un impact positif sur l’insuffisance cardiaque, via une excrétion accrue des fluides sous l’effet de l’inhibiteur du cotransporteur sodium/glucose (SGLT-2).
En faveur de cette hypothèse, la rapidité du phénomène, soulignée par le Dr Silvio Inzucchi (Yale Diabetes Center, New Haven, Etats-Unis) qui présentait les résultats : les courbes commencent en effet à diverger en 3 mois.
Le Dr Hertzel Gerstein (McMaster University, Hamilton, Canada), qui commentait la session, a parlé de résultats « inattendus et qui ouvrent de nouvelles recherches ».
En attendant, « l’empagliflozine pourrait sauver de nombreuses vies, et pourrait devenir un traitement de première intention pour les diabétiques adultes à risque CV », a-t-il estimé, en ajoutant que le bénéfice observé est « probablement un effet classe, mais qu’on ne peut l’affirmer sans l’avoir vérifié ».
Réduction de la mortalité CV mais pas des évènements ischémiques
L’étude EMPA-REG a été menée chez 7020 patients diabétiques de type 2, présentant un antécédent CV (IDM ou AVC > 2 mois avant inclusion, coronaropathie prouvée, angor instable, ou artériopathie périphérique occlusive). Ces patients étaient âgés de 63 ans en moyenne, et l’effectif comporte 70% d’hommes. L’IMC moyen était de 30 kg/m2 ; l’HbA1c à 8,07%. On note également que l’étude a été menée par 590 centres, répartis dans 42 pays, mais que les patients européens représentent 41% de l’effectif.
Les patients ont été randomisés en trois groupes, selon des ratios 1 :1 :1 entre l’empagliflozine 10 mg/j, l’empagliflozine 25 mg j, ou un placebo, ajouté à un traitement optimal.
Le critère primaire était un composite associant décès toutes causes, décès CV, IDM non fatals et AVC non fatals. Le critère secondaire était le critère primaire plus les hospitalisations pour angor instable. Enfin, le suivi médian a été de 3,1 ans.
Les résultats sont présentés en associant les deux groupes traités par empagliflozine (10 et 25 mg/j).
Ecarts significatifs entre patients traités par empagliflozine ou placebo dans EMPA-REG
|
Placebo (n=2333) |
Empagliflozine (n=4687) |
RR [IC 95%] |
p |
Critère primaire |
12,1 |
10,5 |
0,86 [0,74-0,99] |
Non-infériorité <0,001 Supériorité 0,04 |
Critère secondaire |
14,3 |
12,8 |
0,89 [0,78-1,01] |
Non-infériorité <0,001 Supériorité 0,08 |
Décès ttes causes |
8,3 |
5,7 |
0,68 [0,57-0,82] |
<0,001 |
Décès CV |
5,9 |
3,7 |
0,62 [0,49-0,77] |
<0,001 |
Hospitalisations pour IC (%) |
4,1 |
2,7 |
0,65 [0,50-0,85] |
0,002 |
Le bénéfice de l’empagliflozine sur le critère primaire et sur les décès cardiovasculaires est cohérent à travers tous les sous-groupes examinés.
Par ailleurs, les deux effets secondaires récemment évoqués avec les inhibiteurs de SGLT-2, l’acidocétose et les fractures, n’ont pas été observés dans EMPA-REG. Les infections urinaires, en revanche, sont, comme attendu, plus fréquentes parmi les sujets traités (6,4% vs. 1% ; p<0,001).
A la recherche des causes du bénéfice
Les auteurs calculent que le traitement de 39 patients Durant 3 ans sauvera une vie. Un résultat qui ouvre certainement un bel avenir à l’empagliflozine d’une part, et à la recherche sur les mécanismes du bénéfice observé d’autre part.
Un petit effet sur la PA est observé sous empagliflozine (-4/2 mm Hg) ainsi qu’une perte de poids de l’ordre de 2 kg. Mais ni ces évolutions, ni la faible baisse de l’HbA1c (0,4%) ne rendent compte des résultats de mortalité.
Dans les résultats, rien ne laisse par ailleurs supposer une baisse des évènements liés à l’athérosclérose. Et a contrario, la réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (RR=0,65) suggère que le bénéfice sur la mortalité CV est à rechercher de ce côté.
Par quel mécanisme ? Il est probable que l’on va se pencher de près sur l’augmentation de l’excrétion urinaire de glucose, induite par l’inhibiteur de SGLT-2, en recherchant par exemple des effets osmotiques.
L’étude EMPA-REG a été financée par Boehringer Ingelheim et Eli Lilly. Dans le papier du NEJM, le chapitre consacré aux méthodes comporte les précisions suivantes : « l’essai a été conçu et supervisé par un comité comportant des investigateurs académiques et des employés de Boehringer Ingelheim. Le rôle de Eli Lilly s’est limité au cofinancement de l’essai ». Les déclarations d’intérêt des auteurs sont disponibles en ligne sur le site du NEJM. |
REFERENCES
Results of the EMPA-REG OUTCOME™ Study. Congrès de l’European Association for the Study of Diabetes. Stockholm 17 septembre 2015.
Zinman B, Wanner C, Lachin JM et coll. Empagliflozin, Cardiovascular Outcomes, and Mortality in Type 2 Diabetes. N Engl J Med ; 2015DOI: 10.1056/NEJMoa1504720.
Citer cet article: Vincent Bargoin. Diabète : l’empagliflozine réduit la mortalité CV dans EMPA-REG - Medscape - 18 sept 2015.
Commenter