Stockholm, Suède – Chez les hommes diabétiques de type 2, présentant un déficit en testostérone, la supplémentation hormonale améliorerait certains paramètres anthropométriques, mais aussi l’HbA1c, le cholestérol total et le LDL-C à 12 mois. Ce résultat vient d’être présenté par le Dr Michal Rabijewski (Université de Varsovie, Pologne), lors du congrès de l’European Association for the Study of Diabetes 2015 (EASD) [1].
La population à priori concernée n’aurait rien de négligeable, puisqu’environ 40% des hommes diabétiques présentent un déficit en testostérone. Toutefois, même si le Dr Rabijewski conclut que « le traitement est sûr, et que des dosages de la testostérone devraient être envisagés en routine chez tous les hommes diabétiques », on restera prudent. Les patients n’ont pas été randomisés, l’étude a été menée en ouvert et les patients du groupe contrôle ne prenaient pas de placebo.
Il reste que les résultats sur la testostérone dans le diabète sont rares, alors que lors du dernier congrès de l’American Diabetes Association , le Pr Franck Mauvais-Jarvis (Tulane University, Nouvelle-Orléans, Etats-Unis), qui venait lui-même de faire une présentation sur la question, qualifiait la piste « d’importante », et d’autant plus « dans une population vieillissante, qui passe un temps de plus en plus long en carence androgénique (et oestrogénique pour les femmes) ».
« Dans le futur, si on arrive à séparer les effets bénéfiques des effets secondaires, on disposera d’un adjuvant thérapeutique spécifiquement masculin ou féminin pour traiter le diabète de type 2 », expliquait-il sur Medscape France.
Au demeurant, ces effets secondaires sont eux-mêmes débattus, au moins sur le plan cardiovasculaire, puisqu’après la publication, en 2013, d’une étude américaine montrant une majoration de 30% du risque de décès CV, infarctus du myocarde et AVC sous testostérone, la FDA et l’EMA ont entrepris le réexamen de la sécurité du traitement, pour conclure respectivement à l’existence d’un risque aux Etats-Unis, et à l’absence de risque en Europe (en cas d’hypogonadisme).
Evolution favorable de la composition corporelle
L’étude polonaise a été menée chez 102 hommes, âgés de 53 à 68 ans, nouvellement diagnostiqués comme diabétiques de type 2. Les IMC allaient de 27,5 à 38,5 kg/m2, et tous ces patients présentaient une testostérone totale < 12 nmol/L et/ou une testostérone libre < 0,250 nmol/L (toutes les mesures de testostérone ont été effectuées le matin, a précisé le Dr Rabijewski).
Ces 102 patients ont été mis au régime et traités pour leur diabète. Mais 64 d’entre eux ont en outre reçu une supplémentation en testostérone (200 ng / 2 semaines). On note que même s’il n’est pas question de randomisation ou d’un placebo chez les 38 patients contrôle, au moins les taux de testostérone totale et libre étaient-ils équivalents entre le groupe supplémenté et le groupe contrôle (respectivement 8,24 et 0,256 nmol/L, et 8,45 et 0,265 nmol/L). On note également que le PSA et le volume prostatique ont été surveillés chez les sujets supplémentés.
Dans le groupe supplémenté, la testostérone totale et libre est évidemment remontée (16,45 et 0,567 nmol/L à 12 mois).
S’agissant des paramètres morphologiques, le rapport taille/hanche a significativement plus baissé dans le groupe supplémenté que dans le groupe contrôle : -2,54% vs. -0,98% à 3 mois ; -4,65% vs. -1,76% à 6 mois (p<0,05) ; -5,79% vs. -2,93% à 12 mois (p<0,01).
De même en ce qui concerne le tour de taille, les écarts à 6 et 12 mois sont significatifs : -4,52% vs. -1,95% (p<0,01) ; -5,23% vs. -2,72% (p<0,02).
En revanche, les évolutions de l’IMC ne sont pas significativement différentes d’un groupe à l’autre : c’est donc la composition corporelle qui change.
Baisse du cholestérol, du LDL-C et de l’HbA1c
En ce qui concerne le cholestérol total, les patients supplémentés passent de 256,4 mg/dL à 221 mg/dL en 12 mois, et les patients non supplémentés, de 249,4 mg/dL à 238 mg/dL (p<0,05). S’agissant du LDL-C, les évolutions sont de 179,3 – 147,4 mg/dL et 175,5 – 163,3 mg/dL respectivement (p <0,02).
Enfin la divergence des HbA1c, inexistante à 3 mois (-11,34% dans le groupe supplémenté vs. -12,72% dans le groupe contrôle), devient apparente à 6 mois (-16,94% vs. -14,93%), et finalement significative à 12 mois (-22,65% vs. –17,25% ; p<0,02).
« Le traitement antidiabétique, oral ou insuline, n’a pas d’impact sur l’évolution des lipides, de l’HbA1c ou des index anthropométriques », a précisé le Dr Rabijewski, en soulignant également qu’aucun signal n’avait été enregistré sur la prostate.
Un sujet de recherche à approfondir
Le mécanisme d’action de la testostérone dans le diabète reste à éclaircir. Interrogé sur ce point à la fin de sa présentation, le Dr Rabijewski s’est avoué bien en peine de répondre. Le Pr Mauvais-Jarvis, lui, évoquait en juin dernier une action sur les récepteurs androgéniques, ce qui est certes hautement vraisemblable mais demande à être approfondi.
Au passage, ces travaux pourraient aussi ouvrir de nouvelles perspectives sur les effets de composés hormones-like, dans lesquels nous baignons dorénavant.
Quelle que soit la complexité du mécanisme, la clinique semble prometteuse, sous réserve de l’hypothèque CV. Lors des discussions, le Dr Rabijewski a indiqué que son équipe avait soumis de nouvelles données, qui venaient d’être acceptées pour publication. Il n’a donc évidemment pas détaillé ces données, mais indiqué qu’elles concernent des sujets pré-diabétiques, « chez lesquels on trouve aussi de fortes prévalence de testostérone basse ». Le projet est donc la prévention.
REFERENCE
1. Rabijewski M. Influence of replacement therapy on metabolic profile in male patients with type 2 diabetes Mellitus and androgen deficiency. Congrès de l’European Association for the Study of Diabetes. Session In vivo veritas (sic). Stockholm, 16 septembre 2015.
Liens |
Citer cet article: Vincent Bargoin. La testostérone pourrait avoir une efficacité chez les hommes diabétiques - Medscape - 17 sept 2015.
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