Asthme allergique : que faire des traitements d’hier et de demain ?

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

25 septembre 2015

Paris, France -- A l’occasion du 10ème Congrès francophone d’allergologie (CFA 2015), une session a permis de faire un tour d’horizon sur les traitements passés, actuels et futurs de l’asthme [1-3].

La théophylline a-t-elle encore une place ?

Il n’y a plus d’indications de la théophylline en monothérapie dans l’asthme désormais. Actuellement la Global Initiative for Asthma (GINA), ne recommande pas la théophylline en routine pour les asthmatiques aux étapes 1 et 2, en revanche, en étape 3 ou 4, l’utilisation de la théophylline et de corticostéroïdes inhalés à faible dose peut représenter une alternative à l’association corticostéroïdes inhalés/bêta 2 agonistes à longue durée d’action. Enfin, dans les formes les plus graves (étape 5), on peut recourir à un avis spécialisé et parfois ajouter de la théophylline au traitement corticostéroïdes inhalés/bêta 2 agonistes à longue durée d’action.

Ce médicament pourrait être particulièrement indiqué dans les asthmes sévères peu sensibles aux anti-leucotriènes.

« L’utilisation de ce bronchodilatateur efficace est limitée par ses effets indésirables fréquents et potentiellement graves lorsque le médicament est utilisé à forte concentration. Comparée aux bêta 2 agonistes ou aux corticoïdes, la théophylline n’est pas supérieure en terme de DEP-VEMS ou de taux d’hospitalisations avec un risque accru d’effets secondaires, en particulier lorsqu’elle est utilisée conjointement avec des médicaments qui agissent sur le métabolisme hépatique par le biais du CYP1A2 ou du P450 », explique le Pr Charles Pilette (Bruxelles, Belgique) [1].

Quelles limites aux corticoïdes inhalés ?

« Depuis leur mise sur le marché en France dans les années 1980, les corticostéroïdes inhalés sont devenus un traitement incontournable de l’asthme, en particulier de l’asthme sévère. L’incidence de la mortalité par asthme a diminuée nettement de façon parallèle à la pénétration de ces médicaments dans le marché de l’asthme. Les études cliniques montrent que le taux d’exacerbations peut être réduit de plus de 20 % avec ces traitements et que près de 50 % des patients peuvent voir leur pathologie contrôlée », explique le Pr Alain Didier (Toulouse) [2].

« Pourtant, en France, le taux standardisé d’hospitalisations pour asthme chez les enfants de moins de 15 ans reste stable depuis le début des années 2000. Et le recours aux services d’urgences pour exacerbations sévères reste inchangé entre 2006 et 2011 d’après les données de l’Assurance Maladie.

 
Le développement des thérapies ciblées dans l’asthme sévère devrait permettre de répondre à des besoins qui ne sont pas couverts actuellement. Pr Antoine Magnan (Nantes)
 

Pour quelles raisons ? Principalement parce que l’observance aux corticoïdes inhalés reste très imparfaite. Ainsi, on estime en 2015 que seuls 20 à 33,9 % des enfants sont observant et 15 à 54 % des adultes », continue le Pr Didier.

L’une des autres raisons des mauvais chiffres de recours aux urgences vient de l’hétérogénéité de la maladie : si la majorité des patients présentent des formes concordantes avec des symptômes corrélés à l’inflammation, d’autres patients présentent des formes discordantes (symptômes plus marqués ou exacerbations plus fréquentes).

Quels sont nos futurs médicaments ?

« Le développement des thérapies ciblées dans l’asthme sévère devrait permettre de répondre à des besoins qui ne sont pas couverts actuellement : altérnative à la corticothérapie par voie générale, contrôle imparfait sous fortes doses de médicaments inhalés…Ces thérapies ciblées ont d’abord été développées sous la forme d’anticorps monoclonaux dirigés contre les IgE, puis des anticytokines et anti-récepteurs de cytokines ont été testés », explique le Pr Antoine Magnan (Nantes) [3].

- L’efficacité des anti IgE (omalizumab) a été établie chez l’asthmatique sévère allergique. Ce médicament permet une diminution de 50 % de l’incidence annuelle des exacerbations sévères. Cette efficacité est prouvée dès lors qu’il existe des IgE circulants, et ce, quel que soit leur taux [4].

- Les éosinophiles sont aussi la cible des anticorps anti IL-5 (mepolizumab, reslizumab) ou anti-récepteur de l’IL-5 (benralizumab). Les premières études n’ont pas confirmé l’efficacité clinique de ces médicaments dans les asthmes hyperéosinophiliques. Mais ils semblent efficaces en cas d’expectoration importante d’éosinophiles.

En 2014, deux publications du NEJM ont rapporté des résultats positifs d’un anti-IL5 (mepolizumab) utilisé par voie intraveineuse ou sous-cutanée, par rapport au placebo. Le nombre des exacerbations est diminué de moitié, le VEMS est amélioré ainsi que le score de qualité de vie. [5-6].

- L’activation plus globale Th2 est ciblée par les anticorps anti IL-13 (lebrikizumab, tralokinumab) et les anticorps dirigés contre les récepteurs de l’IL-4 et de l’IL-13 (dupilimab). Mais, pour l’instant, l’efficacité clinique de ces médicaments a du mal à être démontrée [7].

- Enfin, des anticorps dirigés contre la protéine pro-inflammatoire TSLP (lymphopoïétine stromale thymique) produite par les cellules épithéliales ont été testés. En 2014, un essai randomisé en double aveugle contre placebo a été mis en place chez les asthmatiques allergiques souffrant de symptômes respiratoires légers. L’anti TSLP était administré chaque mois par voie intraveineuse. L’efficacité du traitement a été estimée par un test de provocation bronchique et une analyse des réponses tardives (3 à 7 h). Le traitement a permis de limiter la chute du VEMS, et de faire diminuer le taux d’éosinophiles présents dans le sang ou dans l’expectoration [8].

 

REFERENCES :

1. Pilette C. Les médicaments d’hier ont-ils encore une place ? Session « Les médicaments de l’asthme : remise en question des dogmes ? ». CFA 2015.

2. Didier A. Ceux d’aujourd’hui, ont-ils leurs limites ? Session « Les médicaments de l’asthme : remise en question des dogmes ? ». CFA 2015.

3. Magnan A. Qu’attendre des traitements de demain ? Session « Les médicaments de l’asthme : remise en question des dogmes ? ». CFA 2015.

4. Long A, Rahmaoui A, Rothman K et coll. Incidence of malignancy in patients with moderate-to-severe asthma treated with or without omalizumab. J Allergy Clin Immunol. 2014 Sep;134(3):560-567.e4. doi: 10.1016/j.jaci.2014.02.007. Epub 2014 Mar 27.

5. Bel E, Wenzel S, Thompson P et coll. Oral glucocorticoid-sparing effect of mepolizumab in eosinophilic asthma. N Engl J Med. 2014 Sep 25;371(13):1189-97. doi: 10.1056/NEJMoa1403291. Epub 2014 Sep 8.

6. Ortega H, Liu M, Pavord I et coll. Mepolizumab treatment in patients with severe eosinophilic asthma. N Engl J Med. 2014 Sep 25;371(13):1198-207. doi: 10.1056/NEJMoa1403290. Epub 2014 Sep 8.

7. De Boever E, Ashman C, Cahn A et coll. Efficacy and safety of an anti-IL-13 mAb in patients with severe asthma: a randomized trial. J Allergy Clin Immunol. 2014 Apr;133(4):989-96. doi: 10.1016/j.jaci.2014.01.002. Epub 2014 Feb 28.

8. Gavreau G, O’Byrne P, Boulet L et coll. Effects of an anti-TSLP antibody on allergen-induced asthmatic responses. N Engl J Med. 2014 May 29;370(22):2102-10. doi: 10.1056/NEJMoa1402895. Epub 2014 May 20.

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