Pénurie d’urgentistes et échec de l’intérim : notre enquête

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

8 septembre 2015

Paris, France – La pénurie de médecins urgentistes intérimaires cet été aura eu du bon. Elle aura permis de braquer les projecteurs sur la désertion des services d’accueil des urgences (SAU) ainsi que des SMUR par les médecins titulaires. Les services d’urgence font face à une pénurie de plus en plus grandissante de médecins titulaires, mal compensée par des intérimaires aux compétences parfois grossièrement ajustées.

Pour y voir clair sur la pénurie et l’échec de l’intérim, Medscape a mené l’enquête et interviewé des médecins urgentistes titulaires et intérimaires.

Agences d’intérim dépourvues

Pour rappel comme nous l’indiquions à la mi-août, le SAU de Saint-Vallier a dû fermer totalement ses portes cet été. Depuis, le SMUR a été réactivé, sans pour autant que cette réouverture partielle soit pérenne. Idem à l’hôpital Le Corbusier de Firminy.

Chose étonnante : les agences d’intérim n’ont pas pu pourvoir en quantité suffisante ces services afin qu’ils puissent rester ouvert.

C’est une première. Raison invoquée : les postes vacants sont de plus en plus nombreux, et les agences ne peuvent plus suivre. « C’est la première année que nous sommes aussi dépourvus. Nous avons vu nos dépenses d’intérim augmenter considérablement ces dernières années.

Il y a encore quelques temps, le recours à l’intérim restait exceptionnel », témoigne un cadre de l’hôpital Le Corbusier. Ce dernier a dû faire appel à 7 médecins pour assurer 10 journées de garde en août, et devra compter sur 5 autres intérimaires pour remplir 11 journées de garde en septembre.

Il y a deux ans, l’hôpital ne faisait appel qu’à deux agences (Appel médical et Medicoffice) mais, cet été, les six principales agences du marché (Appel médical, Medioffice, Allomedicassistance, Medic intérim, Adecco médical, Aile médicale) ont été sollicitées pour un coût compris entre 1100 euros et 1200 par journée de garde et par médecins. Sans pour autant réussir à pourvoir l’ensemble des postes vacants.

La situation touche même des centres hospitaliers universitaires (CHU), comme témoigne un médecin intérimaire contacté par Medscape, une situation impensable il y a quelques années.

Taux de vacances statutaires de 22%

En consultant les statistiques du centre national de gestion, on constate en effet une pénurie grandissante du nombre d’urgentistes en postes.

Au 1er janvier 2013 , le taux de vacances statutaires des médecins urgentistes s’élevait à 20,7% : il manquait 971 médecins urgentistes.

Un an plus tard, au 1er janvier 2014, le taux de vacances statutaires augmentait de 1,7% pour s’établir à 22% : 1080 postes n’étaient pas pourvus.

Au 1er janvier 2015, le centre national de gestion n’a pas communiqué sur le taux de vacances statutaires, lui préférant une statistique moins catastrophique, à savoir le taux de PH temporairement vacants.

En ce qui concerne la médecine d’urgence le taux tombe ainsi à 5,6%. Voilà pour les PH temps plein. Pour les PH à temps partiel, les chiffres sont plus alarmants. Au 1er janvier 2013, le taux de vacances des PH à temps partiel était de 43,1%, et de 42,8% au 1er janvier 2014. Autre donnée inquiétante : 392 postes d’urgentistes n’ont pas été pourvus à l’issue des choix de postes du printemps 2015.

L’intérim ne connait pas la crise

Contactées par Medscape, les agences d’intérim sont restées sur la réserve. A priori, ces agences n’ont pas connu de pénurie en matière de recrutement d’urgentistes, nous affirme un expert. Pas plus qu’elles ne connaissent la crise. Aile médicale, l’une des agences qui a pignon sur rue, affiche même en 2014 un chiffre d’affaires de 15 782 300 € pour un résultat net de 445 000 euros… Si Adecco médical affiche sur la même année un résultat net déficitaire de -219 800 €, il est en augmentation de 89,74% en un an. JBM Medical, pour un chiffre d’affaire de 12 989 100 euros en 2013, se targuait d’un résultat net de 392 200 euros. A priori, les agences d’intérim ne connaissent pas de traversée du désert, même si elles préfèrent, pour le moment, faire profil bas. Et pour cause : le rapport d’Olivier Véran sur le mercenariat à l’hôpital a braqué les projecteurs sur leur pratique (voir notre article).

Problème de compétence de nombreux intérimaires

S’il y a de nombreux excellents intérimaires, on rencontre également beaucoup de problèmes : faible productivité, absentéisme-- Dr Arnaud Depil Duval

Contactés par Medscape, les médecins urgentistes intérimaires décrivent des conditions de travail en poste ou en intérim de plus en plus effroyables. Nombreux sont ceux qui soulignent également l’incompétence de certains médecins recrutés.

Le Dr C., qui a souhaité garder l’anonymat, a commencé le travail en intérim à l’âge de 27 ans. Il en a maintenant 40. Appelé en renfort dans certains hôpitaux cet été, il décrit des incidents graves : « Courant août j’ai fait une garde catastrophique au SAMU d’Alençon. Nous devions être au minimum deux médecins, et j’ai travaillé tout seul ! » Quant aux compétences des médecins intérimaires, le Dr C. est très critique : « La plupart sont étrangers et ont des problèmes de compétence. J’ai ainsi

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