Qingdao, Chine ― Neuf facteurs de risque potentiellement modifiables, dont une bonne partie sont également des facteurs de risque cardiovasculaires, seraient impliqués dans les deux tiers des cas de la maladie d'Alzheimer de par le monde, selon une étude observationnelle publiée dans l'édition en ligne du Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry (publication du BMJ) [1].
Cette analyse confirme la complexité des processus qui induisent la maladie d'Alzheimer, le nombre important de facteurs de risques et suggère qu'il existe des actions de prévention possibles comme le mentionnait déjà dans son blog le Pr Emmanuel Touze en 2014 « Alzheimer : la prévention est possible » .
Une donnée importante alors qu'aucun traitement n'a encore prouvé son efficacité dans la maladie d'Alzheimer. Reste qu’il est bien difficile de modifier les comportements et le mode de vie…
Plusieurs travaux ont déjà mis en évidence des facteurs de risque du développement de la maladie d'Alzheimer par le passé, principalement vasculaires. Une étude publiée dans le Lancet Neurology en 2014 et rapportée par Medscape, fait mention de 7 facteurs de risques majeurs [2,3]: le diabète, l'hypertension, l'obésité, le manque d' activité physique, le tabac, la dépression et un faible niveau d'éducation. Elle a montré, en outre, que réduire de 20% chacun de ces facteurs de risque pourrait diminuer de 15% la prévalence de la maladie d'Alzheimer.
La majorité des cas de démence pourrait théoriquement être évités
Dans la nouvelle étude du Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry [1], les auteurs, Wei Xu et coll. (Service de neurologie, hôpital municipal de Qingdao, Université de Qingdao, école de médecine, Qingdao, Chine; Centre de la mémoire et de l'âge, San Francisco, Etats-Unis) ont répertorié 17 000 études publiées en anglais entre 1968 et juillet 2014. Parmi elles, 323 couvrant 93 facteurs de risque et impliquant plus de 5000 personnes ont été éligibles pour l'analyse.
Les auteurs ont évalué le risque attribuable dans la population (PRA) qui mesure la proportion de cas de la maladie d'Alzheimer que l'on peut attribuer aux facteurs de risque dans l'ensemble de la population (personnes exposées ou non exposées). Le calcul du PRA combiné indique que ces neufs facteurs de risque potentiellement modifiables sont impliqués dans environ deux tiers des cas de la maladie d'Alzheimer.
Les neufs facteurs de risque retenus sont listés dans l’encadré ci-dessous.
Facteurs de risque de démence -l'obésité, -le tabagisme actif (dans la population asiatique), -la sténose carotidienne, -le diabète de type 2 (dans la population asiatique), -le faible niveau d'éducation, -les taux élevés d'homocystéine, -la dépression, -l'HTA -et la fragilité « frailty ». |
Facteurs protecteurs et facteurs de risque
Les chercheurs ont aussi "poolé" les données et attribué différents niveaux de preuves aux effets protecteurs observés, en fonction de la puissance de chaque étude.
Il en ressort que les oestrogènes, les statines, les antihypertenseurs et les AINS ont un effet protecteur (niveau de preuves 1).
De même que les folates, les vitamines C et E et le café (niveau de preuves 1).
Effet protecteur de niveau 1 Oestrogènes, Statines Antihypertenseurs AINS Folates, Vit C, E Café |
Aussi, il existe une forte association entre les taux élevés d'homocystéine, un acide aminé fabriqué par l'organisme, la dépression et le risque élevé de développer une maladie d'Alzheimer.
Les données montrent, enfin, que certains états de santé pré-existants jouent également des rôles complexes sur le risque de maladie.
Ceux associés à une augmentation du risque sont la sténose carotidienne, l'hypertension ou l'hypotension, le diabète de type 2 (dans la population asiatique) et la fragilité ("frailty").
Le terme de fragilité "frailty" est un concept gériatrique récent qui correspond à une diminution des réserves physiologiques de la personne vieillissante. |
Ceux corrélés à une diminution du risque sont l'arthrose, les maladies cardiaques, le syndrome métabolique et le cancer.
D'autres facteurs de risque dépendent de l'âge et de l'origine ethnique.
Un indice de masse corporelle (IMC) élevé ou faible en milieu de vie et un faible niveau d'éducation sont associés à un risque accru. En revanche, un IMC élevé plus tard au cours de la vie, les exercices pour stimuler l'activité cérébrale, le tabagisme (sauf dans la population asiatique), une consommation d'alcool faible à modérée et le stress sont associés à un abaissement du risque.
Aucune association significative n'a été observée concernant les conditions de travail.
Stratégies préventives
En conclusion, les auteurs soulignent que le caractère observationnel de l'étude ne permet pas d'affirmer qu'il existe réellement une relation de cause à effet entre ces facteurs de risque et les cas de maladie d'Alzheimer observés. Ils appellent à réaliser des essais randomisés, notamment, pour confirmer leurs résultats.
Cependant, ils suggèrent que des stratégies préventives ciblant le régime alimentaire, les médicaments, l'homocystéine, la santé mentale, les maladies sous-jacentes et le mode de vie pourraient aider à ralentir l'épidémie de cas de la maladie d'Alzheimer.
Les auteurs n'ont pas déclaré de liens d'intérêts en rapport avec le sujet. |
REFERENCES:
1.Wei XU, Jin-Tai Yu et coll. Meta-analysis of modifiable risk factors for Alzheimer’s disease Journal of Neurology Neurosurgery & Psychiatry; doi 10.1136/jnnp-2015-310548
2. Sam Norton, Fiona E Matthews, Deborah E Barnes et coll. Potential for primary prevention of Alzheimer’s disease: an analysis of population-based data. Lancet Neurol 2014; 13: 788–94.
3.Geert Jan Biessels. Capitalising on modifi able risk factors for Alzheimer’s disease. Lancet Neurol 2014; 13: 752-53.
4.Caroll Brayne et coll. Dementia in western Europe: epidemiological evidence and implications for policy making. Policy view. Lancet neurology, publié en ligne le 21 août 2015.
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Citer cet article: Aude Lecrubier. Alzheimer : les 2/3 seraient évitables par la prévention - Medscape - 24 août 2015.
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