Minneapolis, Minnesota – La thérapie de réduction du stress basée sur la pleine conscience est efficace sur l’amélioration des symptômes du stress post-traumatique chez les vétérans américains (48,9% vs 28,1% pour une psychothérapie plus classique), avec une rémanence du bénéfice à l’arrêt du « traitement ». Ces résultats, non définitifs, mais encourageants viennent d’être publiés dans le JAMA [1].
Tester la pleine conscience sur le syndrome de stress post-traumatique
Il existe de nombreuses sources de stress post-traumatique (violences sexuelles, accidents, agression, attentats...) et la guerre, propice aux expériences choquantes, n’est pas la moindre. Ce syndrome affecterait 23% des anciens combattants américains déployés en Afghanistan et en Iraq. Sans traitement, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT ou PTSD en anglais) est associé à des taux élevés de comorbidités, de handicap, de faible qualité de vie, et de décès (suicide). Le département américain aux vétérans a investi dans les psychothérapies pour venir en aide aux ex-soldats, mais avec souvent un faible bénéfice puisque 30 à 50% des personnes qui en bénéficient ne voient pas d’amélioration de leurs symptômes, et les taux d’abandon sont élevés (de 30 à 38%), rapportent les auteurs. D’où l’idée de tester auprès des vétérans un autre type de thérapie, la thérapie de réduction du stress basée sur la pleine conscience, dit MBSR (pour Mindfulness-Based Stress Reduction).
Pour ce faire, les chercheurs ont recruté 116 vétérans dont beaucoup d’ex-combattants de la guerre du Viêt-Nam répondant aux critères de SSPT tels que définis dans le DSM-IV. Etaient exclus les personnes avec une dépendance (sauf nicotine et caféine), les patients psychotiques, avec des idées suicidaires, un handicap cognitif ou une pathologie pouvant interférer avec le traitement. Les participants ont été assignés aléatoirement à suivre les 9 semaines de l’une ou l’autre des thérapies, celle de réduction du stress basée sur la pleine conscience (voir encadré) ou une thérapie dite centrée sur le présent. Cette dernière approche, plus classique, mise sur la capacité de la personne à comprendre ses difficultés (en lien notamment avec les symptômes de SSPT), à trouver ses propres solutions et à apporter les changements adaptés au quotidien. Elle ne comprend ni méditation, ni évocations des expériences traumatiques. La relation thérapeute-client est égalitaire et non directive.
48,9% d’amélioration versus 28,1%
L’évaluation faite à 3,6, 9 et 17 semaines en utilisant l’échelle « PTSD Checklist » a montré que les patients assignés à la thérapie de pleine conscience rapportaient une plus grande amélioration de la sévérité de leurs symptômes comparé à l’autre groupe et ce durant le traitement (p < 0,002) mais aussi 2 mois après la fin de l’étude (p < 0, 001).
De plus, les patients usant de la thérapie MBSR ont été plus nombreux à mentionner une amélioration de leurs symptômes 2 mois après que l’étude a pris fin (48,9% versus 28,1%, p = 0,03). Néanmoins, au terme de la thérapie, le pourcentage de patients en rémission de SSPT selon les critères de l’échelle établis par le clinicien (clinician-administered PTSD scale) a été le même dans les deux groupes (53,3% versus 47,3%, p = 0,55).
Tout en reconnaissant que le supplément en termes de bénéfice de la MBSR est modeste, les auteurs concluent que ce type de thérapie présente un intérêt non négligeable en cas de SSPT, en accord avec de précédents travaux qui ont montré son efficacité dans l’anxiété et la dépression, dont la dépression sévère. Ce qui est vraiment intéressant de cette étude – et le plus inattendu selon les auteurs – c’est le maintien deux mois après la fin de la thérapie d’un bénéfice sur la qualité de vie chez ces vétérans. Ce qui n’a pas été le cas chez les participants bénéficiant de la thérapie centrée sur le présent, dont la perception de qualité de vie ne s’est pas maintenue dans le temps, retournant au niveau qu’il avait à l’entrée dans l’étude, a expliqué Melissa Polusny, chercheur et premier auteur de l’étude, à nos confrères de Medscape.com. Un effet rémanent à mettre peut-être en lien avec la modification des circuits neuronaux qui découle de la pratique de la pleine conscience, démontrée à plusieurs reprises. Parmi les limites de l’étude, les auteurs pointent la courte durée de suivi. Etant donné la chronicité des troubles du SSPT, il est possible que les participants aient rechuté après la fin de l’étude. Les chercheurs proposent donc d’exercer un suivi plus long (au moins 6 mois) dans les études de ce type. Dans un éditorial qui accompagne l’article, David Kearney et Tracy Simpson font remarquer de leur côté que si la durée de l’intervention – la thérapie – limitée généralement à 2/3 mois convient bien à certaines personnes, elle n’est probablement pas adaptée à des patients souffrant de pathologies chroniques ou d’un SSPT bien établi depuis des années qui nécessiteraient un temps de thérapie plus long [2].
Les résultats sont aussi limités par l’échantillon, composé d’hommes blancs très majoritairement originaires de Minneapolis et ayant servis pendant la guerre du Viêt-Nam, soulignent les auteurs.
Enfin, pour être tout-à-fait complet, il faut ajouter que le taux de sorties d’étude a été plus élevé chez les vétérans du groupe MBSR (22,4%) que dans le groupe de thérapie centrée sur le présent (6,9%) – des taux qui restent cependant inférieurs à ce que l’on observe pour d’autres types de psychothérapies (26 à 44%).
Qu’est-ce que la MBSR ? Les thérapies basées sur la pleine conscience ont été déloppées par Jon Kabat-Zinn au centre hospitalier du Massachusetts depuis 1979. Conçues au départ pour réduire le stress dû à la maladie, aux douleurs chroniques, aux traitements pénibles, elles sont aujourd’hui testées dans diverses affections médicales somatiques ou psychiques, d’abord aux Etats-Unis et depuis peu en Europe. Inspirée des traditions méditatives orientales, la pleine conscience (Mindfulness) : un « état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l'expérience qui se déploie instant après instant » (Kabat-Zinn, 2003). La présence consciente à soi-même qui est ainsi visée se base sur l'acceptation, la bienveillance et l'absence de tout jugement critique. Il s’agit de prendre conscience de tout ce qui se présente dans l'instant présent sans jugement de valeur : les sensations corporelles, l'environnement (sons, odeurs..), les pensées et les émotions qui traversent l'esprit sans s'y accrocher et sans rien empêcher. Deux programmes de pleine conscience, tels que mis au point par Jon Kabat-Zinn, utilisent ces capacités. L’un appelé thérapie cognitive basée sur la pleine conscience programme ou MBCT est orienté sur la prévention de la rechute dépressive . L’autre, dit MBSR ( pour mindfulness-based stress reduction), orienté gestion du stress et utilisé dans l’étude ci-dessus, se déroule en 8 séances, à raison d'une séance hebdomadaire de deux heures trente de pratique en groupe (la première et la huitième séances durent trois heures) et d'une journée d'intégration et de pratique intensive entre la sixième et la septième séance. Ce programme comprend aussi des exercices d'environ trois quarts d'heure à réaliser quotidiennement chez soi, six jours sur sept. |
Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt. |
Le sujet a fait l’objet d’un article sur Medscape.com
REFERENCES :
Polusny M, Erbes CR, Thuras P et coll. Mindfulness-Based Stress Reduction for Posttraumatic Stress Disorder Among Veterans: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2015;314(5):456-465. doi:10.1001/jama.2015.8361.
Kearney DJ, Simpson TL. Broadening the Approach to Posttraumatic Stress Disorder and the Consequences of Trauma. JAMA. 2015;314(5):453-455. doi:10.1001/jama.2015.7522.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. La thérapie de réduction du stress basée sur la pleine conscience efficace chez les vétérans américains - Medscape - 18 août 2015.
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