Réticence autour de la vaccination : oui aux vaccins, mais pas à tous

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

13 août 2015

Paris, France – La vaccination se porterait-elle mal ? Quoi qu’il en soit, la ministre de la Santé Marisol Touraine est à son chevet. Dans un entretien accordé à nos confrères du Parisien du 1er août dernier [1], la ministre tente en vain de rassurer les Français sur les vertus du procédé. Constatant une certaine défiance contre la vaccination, elle est revenu aux basiques : la poliomyélite, qui causait quelque 400 morts jusqu’au début des années 60, a disparu en France grâce au vaccin. A l’inverse, lorsque la couverture vaccinale diminue, les maladies réapparaissent, comme en Alsace, où des cas de rougeole ont été déclarés dans quatre écoles ce printemps, a-t-elle rappelé. Et d’annoncer à la rentrée, à l’occasion de la remise du rapport sur la politique vaccinale de la députée PS Sandrine Hurel, un vaste débat sur la question.

Oui franc en faveur de la vaccination

On dit les Français méfiants face à la vaccination, mais qu’en est-il vraiment ? Selon un sondage réalisé les 4 et 5 juin derniers pour la Mutuelle nationale des hospitaliers et des professionnels de santé (MNH), 71% des sondés estiment que les bénéfices de la vaccination sont supérieurs aux risques encourus, 87% des Français pensent que les vaccins sont utiles, 65% ne considèrent pas les vaccins comme dangereux [2]. Pour autant, 66% des sondés répondent que le Pr Henri Joyeux était légitime pour prendre la parole (même de façon critique) vis-à-vis de la vaccination. Très exactement, ils considèrent « qu’il est tout-à-fait normal qu’un médecin comme le professeur Joyeux prenne position publiquement sur des sujets comme la vaccination ». Bref, il a le droit de s’exprimer, cela ne veut pas dire pour autant que l’on soit d’accord avec lui. D’autant que sa défiance porte non pas sur la vaccination en tant que telle mais sur certains vaccins en particulier.

Le Pr Joyeux alerte sur la quasi disparition du vaccin DT-Polio

Très précisemement, le Pr Joyeux s’est élevé contre la vaccination des enfants de moins de six ans avec un vaccin hexavalent DTPolio-HIB-Coqueluche-Hépatite B, l’Infanrix Hexa commercialisé par GSK. L’usage de ce vaccin est dû à la quasi disparition du vaccin DT-Polio depuis 2008, et à la pénurie de vaccins tétravalents et pentavalents depuis septembre 2014. Selon le Pr Joyeux, le vaccin hexavalent Infanrix Hexa « contient de l’aluminium et du formaldéhyde, deux substances dangereuses […] que contient le vaccin contre l’hépatite B, soupçonné d’un lien avec la sclérose en plaques, […] et coûte jusqu’à sept fois plus que les autres vaccins ». Le Pr Joyeux ne conseille pas pour autant de se passer de vaccination. La pétition qu’il a lancée sur son site Internet - et qui a recueilli plus de 700 000 signatures – avait pour but que le ministère de la Santé remette sur le marché le simple vaccin DT Polio sans aluminium pour nourrissons [3]. Une prise de position visiblement mal comprise par le Conseil national de l’Ordre des médecins puisqu’elle lui vaut d’être actuellement poursuivi en conseil disciplinaire pour propos tenu sur des bases non scientifiques, « et qui porte atteinte à la profession ».

Scepticisme vis-à-vis de certains vaccins : les médecins aussi

Si la démarche du Pr Joyeux a été si suivie, c’est qu’elle rencontre un écho dans la population, y compris celle des médecins. En témoigne cette enquête publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire [4] auprès d’un panel de médecins généralistes libéraux en décembre 2013, qui montre près de 10% d’entre eux établissent un lien entre vaccin contre l’hépatite B (recommandé mais pas obligatoire sauf personnes exposées à des risques de contamination) et sclérose en plaques. D’ailleurs, un quart des médecins interrogés pratiquent la vaccination contre l’hépatite B en rattrapage chez l’adolescent « parfois », et 10% ne la proposent jamais. Au sujet du vaccin hexavalent, « plus de la moitié des MG interrogés (51,9%) déclarent« toujours » détailler les maladies ciblées par le vaccin hexavalent quand ils le proposent pour les nourrissons ; 26,8% le font « souvent ». Un médecin sur 5 déclare le faire plus rarement : 17,4% « parfois » et 3,9% « jamais » ».

Le même BEH publie une enquête réalisée cette fois-ci auprès de parents d’enfants âgés entre 1 et 16 ans, pour connaître les comportements vis-à-vis de la vaccination contre l’hépatite B de leurs enfants. 14,6% des parents sondés n’avaient pas fait vacciner leurs enfants contre l’hépatite B car ils étaient défavorables au principe même de vaccination, quand 11,3% des personnes interrogées n’avaient pas fait vacciner leur progéniture, car ils étaient plus spécifiquement opposés au vaccin contre l’hépatite B. Même scepticisme donc chez une fraction de médecins et de parents.

Baisse des ventes de vaccins DT Polio

Aux doutes et critiques s’ajoutent une baisse des ventes de vaccins DT Polio par les pharmacies en France, tel que l’a révélé le Canard enchainé dans son édition du 5 août, information confirmée par l’Institut national de veille sanitaire, a rapporté l’Agence France presse. Plus précisément, les ventes ont diminué de 14,5% au premier semestre 2015 par rapport au premier semestre 2014. Ce recul s’explique par plusieurs facteurs, et il est trop tôt, selon la Direction générale de la santé, pour imputer cette diminution à la baisse de la couverture vaccinale. Les ventes de vaccins anti-diphtérie, tétanos, et poliomyélite sont également en baisse. Outre une possible diminution de la couverture vaccinale, cette baisse serait également dû à la mise en place du nouveau calendrier vaccinal en 2013, qui abaisse à onze mois l’âge du premier rappel.

Carto vaccins, un logiciel qui traque les « mauvais vaccineurs »
C’est avec l’aide financière du laboratoire GSK que le Dr Nadia Rachedi, chef de service à la protection maternelle et infantile de l’Hérault, a mis au point un logiciel Carto Vaccins, qui permet d’établir une cartographie de la vaccination à l’échelle des communes, voire des quartiers, rapporte le Journal du dimanche. Les données de vente de vaccins sont fournies par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), croisées parfois aux données des Protections maternelles et infantiles (PMI), et le logiciel ainsi renseigné peut débusquer les médecins rétifs à la vaccination. Ces derniers reçoivent alors un courrier de leur caisse. « Dans les zones réfractaires, des réunions sont organisées pour mobiliser les professionnels de santé. Lancée à Montpellier pour améliorer la couverture contre la rougeole, l'initiative a déjà essaimé en Haute-Vienne et Corrèze (grippe et rougeole) ainsi que dans les Yvelines (grippe et vaccins infantiles) », rapporte le JDD. Pas sûr que l’initiative financée par une industrie pharmaceutique, GSK, – par ailleurs grand pourvoyeur de vaccins - soit bien perçue…

 

REFERENCES :

  1. Marisol Touraine : « la vaccination est fondamentale. » Le Parisien, 01/08/2015.

  2. Sondage MNH, Le Figaro, France Inter.Le carnet de santé des Français. 06/15

  3. Joyeux H. Nous demandons une intervention pour que le vaccin DT Polio simple et sans aluminium soit de nouveau rendu disponible.

  4. Bulletin épidémiologique hebdomadaire , 26-27, juillet 2015.

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