Urgences « envahies » par les résidents d’EHPAD : la HAS s’en mêle

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

4 août 2015

Saint-Denis, France -- La Haute autorité de santé (HAS) associée à l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médicaux sociaux (ANESM) prend les choses en mains pour désengorger les urgences des résidents des maisons de retraite aujourd’hui dénommées EHPAD (pour établissements d’accueil des personnes âgées dépendantes) qui n’ont rien à y faire. Ils seraient de 19 à 67 % selon les études.

Deux mesures sont proposées: la diffusion des points clés de l’organisation du parcours de soins des patients en EHPAD [1] et la formalisation d’un dossier de liaison d’urgence (DLU) qui devrait servir à améliorer le transfert d’informations entre les EHPAD et les service d’urgences.

Vie et mort en EHPAD : les chiffres
-8 000 résidents d’EHPAD décèdent chaque année dans les heures qui suivent leur admission aux urgences.
-23 % des résidents sont hospitalisés en urgence au moins une fois dans les deux semaines qui précèdent leur décès.
-90 000 résidents meurent chaque année en EHPAD, 59 % relèveraient de soins palliatifs mais n’y ont pas accès.
-25 % des résidents décèdent à l’hôpital.
-Les principales classes médicamenteuses prescrites dans les EHPAD sont les antidépresseurs (32 % des patients), les anxiolytiques (27 %), les hypnotiques (22 %) et les neuroleptiques (15 %).
-Les chutes représentent 30 % des admissions aux urgences des patients d’EHPAD. Elles entrainent une fracture dans la moitié des cas.
-Un tiers des hospitalisations non programmées sont liées à une décompensation cardiaque, viennent ensuite les problèmes uro-digestifs, neuro-vasculaires et les troubles du comportement.
-20 % des hospitalisations sont liées à un problème de iatrogénie et les 4 classes les plus souvent en cause sont les antihypertenseurs/diurétiques, des hypoglycémiants, les AVK, les psychotropes.

Les EHPAD joueront-ils le jeu ? Qu’en pensent leurs actionnaires ?

Outre les recours aux urgences potentiellement évitables, la HAS relève aussi des hospitalisations inappropriées dont le rapport bénéfice/risque est discutable.

Globalement, toutes ces admissions non programmées « ont un impact négatif sur les patients âgés ou dépendants et favorisent le déclin fonctionnel et cognitif ». Elles influent aussi sur le fonctionnement des services hospitaliers – et en particulier des urgences – mais la HAS ne s’étend pas sur ce sujet.

Il faut souhaiter que les EHPAD– dont la grande majorité appartiennent à de grands groupes financiers tournés vers la rentabilité – jouent le jeu et se donnent les moyens de suivre ces recommandations à la fois pour le bien des patients et celui de système de soin.

Qu’en penseront les actionnaires ? La question reste posée…

Assurer une permanence des soins

Le document « Les points clés d’organisation » développe plusieurs stratégies complémentaires : prise en charge optimale des maladies chroniques et des syndromes gériatriques par les médecins traitants, mise en place de mesures de prévention des risques, développement d’alternatives à l’hospitalisation.

En premier lieu, la HAS précise que les médecins coordonnateurs d’EHPAD – fonction obligatoire dans tous des EHPAD depuis 2005 – et les directeurs doivent s’assurer de la permanence des soins en impliquant les médecins traitants et les autres libéraux et en ayant, si besoin, recours à la télémédecine.

Une évidence ? Oui, certainement, mais une grande partie des recours aux urgences est le résultat d’une décision de soignant (infirmière en général) sans même un avis médical.

La HAS propose ensuite des mesures pour améliorer la gestion des urgences : rédaction de protocoles de gestion des urgences, régulation médicale par le SAMU-Centre 15 avant tout transfert dans un service d’urgence, utilisation systématique d’un dossier de liaison d’urgence exhaustif permettant au service receveur de connaître les antécédents, le mode de vie et les traitements du patient.

Prévenir les infections, les chutes, la iatrogénie…

Viennent ensuite des mesures de prévention : vaccination antigrippale des résidents et du personnel, prévention des pneumopathies (en repérant les patients à risque de pneumopathie d’inhalation), traitement en EHPAD des pneumopathies, renforcement des soins palliatifs et des soins de support…

Un chapitre sur les interventions visant les causes les plus fréquentes d’hospitalisation non programmées suit.

La HAS insiste sur la prévention des chutes en proposant une supplémentation systématique en vitamine D, en évaluant annuellement le risque individuel de chute, en promouvant l’activité physique.

La prévention de la iatrogénie est très détaillée en insistant sur les 4 classes médicamenteuses les plus à risque : antihypertenseurs/diurétiques, hypoglycémiants, anticoagulants oraux et psychotropes.

4 classes médicamenteuses les plus à risque
Antihypertenseurs/diurétiques,

Hypoglycémiants,

Anticoagulants oraux,

Ppsychotropes.

Optimiser les ressources internes et externes

Le guide propose aussi des interventions visant à optimiser les ressources internes de l’EHPAD :

-mise à disposition de matériel (cathéter, sondage, sets de suture…),

-convention de partenariat pour la réalisation d’examens biologiques ou de radiographie au sein de l’Ehpad,

-optimisation des plannings des soignants pour assurer au mieux la continuité des soins dans la journée, le week-end et la nuit, formation des soignants aux urgences…

Enfin, la HAS propose des interventions extérieures pour renforcer des ressources : expertise gériatrique (filière ou équipes mobiles) ; expertise en soins palliatifs, développement de l’hospitalisation à domicile, développement de la télémédecine.

Une révolution dans un milieu visant la rentabilité financière

Si à la première lecture toutes ces mesures peuvent tenir simplement du bon sens, leur diffusion par une autorité sanitaire étatique dans un milieu majoritairement privé et à but lucratif pourrait constituer une révolution… Si toutefois, elles sont appliquées….Leur coût sera certainement un obstacle dans un milieu tourné vers la rentabilité financière. A moins que la course à l’ « or gris » (le marché de l’âge) ne se dote d’un code moral.

REFERENCES :

  1. HAS. Comment réduire les hospitalisations non programmées des résidents des EHPAD, juillet 2015.

  2. HAS. Dossier de liaison d’urgence (DLU), juillet 2015.

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