Le portable a-t-il sa place au bloc opératoire ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

31 juillet 2015

Etats-Unis – Faut-il bannir les téléphones portables et autres tablettes des salles d’opération ? Aux Etats-Unis, la question se pose de plus en plus souvent après que des incidents aient été portés sur la place publique [1-3]. Certains hôpitaux et cliniques mettent en place des règlements concernant l’usage personnel des outils connectés et des sociétés savantes ont récemment mis en garde les praticiens sur le danger à laisser leur addiction à l’Internet envahir le champ professionnel, voire opératoire [4].

A l’hôpital, la distraction est source d’erreurs...parfois fatales

A l’hôpital, les progrès technologiques, via les smartphones et autres tablettes, ont permis nombre d’avancées médicales – plus d’informations sur le patient, sur les médicaments, plus d’alarmes, etc. –, susceptibles d’améliorer la prise en charge et dont personne ne discute l’intérêt.

Revers de la médaille, ils ont aussi, dans le même temps, augmenté les sources de distraction. Difficile de ne pas vérifier compulsivement ses e-mails, répondre dans la seconde aux textos, faire son shopping en ligne, etc : le pouvoir addictif et distractif de l’Internet est, on le sait tous, énorme et il n’y a pas de raison que les professionnels de santé y soient moins sensibles que les autres… Sauf qu’à l’hôpital, et en particulier dans le bloc opératoire, la distraction est source d’erreurs potentiellement graves (comme en avion, voir encadré). Cet aspect, qui n’avait pas été anticipé, émerge peu à peu au fil de récents incidents médicaux dont les médias, essentiellement américains, se sont faits l’écho depuis plusieurs années, avec parfois des conséquences qui peuvent être fatales. En témoigne un accident survenu en 2011 au Texas [5] où une femme de 61 ans est admise à l’hôpital pour une neutralisation (par ablation) du nœud auriculo-ventriculaire dans le cadre d’une fibrillation atriale. Lors de l’opération, la saturation sanguine en oxygène chute dangereusement pendant 15 à 20 mn sans que l’anesthésiste chargé de surveiller la patiente s’en inquiète, conduisant au décès de celle-ci. Poursuivi en justice par la famille, le chirurgien a affirmé que l’anesthésiste était occupé à envoyer e-mails et textos ou à jouer depuis son téléphone ou sa tablette. Ce dernier a d’ailleurs reconnu se connecter pour lire des articles ou des livres pendant ses temps morts. Une occupation qui n’était, d’ailleurs selon lui, pas un problème puisqu’il « regardait le moniteur au moins toutes les 30 secondes et surveillait le patient au moins toutes les 30 minutes » peut-on lire dans sa déposition [5].

Le cas d’un patient resté partiellement paralysé après une opération pendant laquelle il a été prouvé que le neurochirurgien avait passé au moins 10 appels téléphoniques personnels a aussi défrayé la chronique [1-3].

Bloc opératoire = cockpit d’avion, mêmes précautions contre les distractions ?
Le concept de « cockpit stérile » qui a émergé en anesthésiologie vient de l’aviation. L’idée qui prévaut tient à la comparaison entre les phases critiques de l’anesthésie – endormissement et réveil – et les périodes critiques d’un vol – décollage et atterrissage [6]. L’une des principales règles est de limiter toutes sortes de distractions à ces moments cruciaux. Il en va de même pour l’opération chirurgicale en elle-même. Concrètement, cela revient à définir un protocole très précis de communication, excluant tout bavardage inutile. Comme dans un cockpit, les activités de chacun sont alors définies, les procédures standardisées et, bien sûr, toute activité susceptible de distraire l’équipage – ou les professionnels de santé – est exclue.

Mauvaises vibrations après césarienne

Mais il y a plus surprenant (affligeant ?) encore. On a tous connaissance d’anecdotes rapportant l’oubli d’un outil chirurgical dans le corps d’un patient….mais dernièrement il a été relaté le cas d’une jordanienne chez laquelle une radiographie a révélé la présence d’un téléphone portable, pour ainsi dire « perdu » par le chirurgien dans l’abdomen de la jeune femme lors de la césarienne qu’elle avait subi quelques jours plus tôt. C’est une improbable vibration émanant du ventre de la femme qui l’avait amené à consulter [7]. Si l’histoire se finit bien et peut prêter à sourire, on imagine néanmoins le risque d’infections nosocomiales si l’appareil avait été à court de batterie et n’avait pu se « signaler ».

Car outre l’accident chirurgical survenu par manque d’attention, le risque bactérien lié aux portables constitue bien évidemment une autre source non négligeable de risque. D’ailleurs, preuve que le portable a envahi l’hôpital, y compris le bloc opératoire, des études s’intéressent désormais au portage bactérien des téléphones des médecins après avoir d’abord incriminé les téléphones des patients et de leurs proches. Une des plus récentes s’est ainsi penchée sur les germes

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